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L'année 1608, qui vit Henri IV sur le trône de France, et Jacques 1er sur celui d'Angleterre, peut être regardée comme l'année de la naissance du Canada. Les voyages du navigateur breton Jacques Cartier, de St-Malo, avaient bien fait connaître le pays et son nom, dans la première moitié du siècle précédent, et on y avait même fait subséquemment un ou deux essais malheureux et absolument sans succès, de colonisation; mais, c'est cette année-là que, sous la conduite de Samuel de Champlain, de Brouages, en Saintonge, on s'empara du sol pour ne plus l'abandonner. Ce n'était qu'une petite colonie, établie à l'ombre du grand roc de Québec; mais elle contenait un germe de vie qui pendant bien des années ne grandit que faiblement, parfois tremblant, et comme sur le point de succomber, mais qui, en dépit de tous les périls et de toutes les difficultés, poussa finalement de profondes racines, et, en prenant de la force, produisit un peuple vigoureux et nombreux.
La France basait ses droits sur le pays qu'arrose le Saint-Laurent, sur les découvertes faites au nom du roi François 1er. Il semble qu'on ait supposé que ce qu'on appelait alors l'Acadie, et qu'on pourrait considérer généralement comme la région occupée par nos provinces maritimes actuelles, était aussi devenu territoire français, en dépit du fait que l'île du Cap-Breton avait été découverte en 1497 par Jean Cabot, naviguant au service de Henri VII, roi d'Angleterre. Pendant les cinq années qui précédèrent l'arrivée à Québec de la Colonie de Champlain, les Français avaient fait des essais de colonisation à Port-Royal (Annapolis) en Nouvelle-Écosse, et à l'embouchure de la rivière Sainte-Croix, expéditions auxquelles Champlain lui-même avait pris part.
Excepté, peut-être en ce qui regarde Champlain, le principal motif des personnes qui prirent part à l'occupation du pays, était le monopole du commerce des fourrures, quoique les Commissions Royales ou Lettres Patentes en vertu desquelles ces personnes agissaient invariablement, continssent des stipulations relatives à une colonisation réelle, et à l'envoi de missionnaires parmi les Indiens. Ces stipulations furent plus ou moins systématiquement éludées par une suite d'associations ou de compagnies auxquelles furent accordés des privilèges. Naturellement il y avait des difficultés à vaincre : les indigènes étaient très mobiles dans leurs mouvements et dans leurs dispositions, et furent parfois extrêmement menaçants; mais on n'avait pas encore le désir de coloniser. Le sentiment des aventuriers était que la colonisation empêcherait, plutôt qu'elle ne favoriserait le commerce. Ils n'avaient pas en vue d'élever d'heureuses demeures à des colons paisibles; ni d'établir une société se développant sous de justes lois et demandant à ses gouverneurs un certain sentiment de responsabilité; ils ne pensaient qu'à établir des stations commerciales fermées au monde entier, excepté à eux. On ne désirait pas la manifestation de l'opinion publique qui, même dans les états arriérés, se développe infailliblement avec la population; il ne peut y avoir rien de commun entre elle et le monopole.
La colonie de Champlain comprit d'abord une trentaine de personnes. Vingt ans après, elle dépassait à peine la centaine, quand un événement se produisit. Charles 1er d'Angleterre avait fait la guerre à la France, et envoyé à La Rochelle une expédition qui n'aboutit qu'à un désastre. Mais, entre autres choses, il avait accordé à David Kirke des lettres de marque l'autorisant à attaquer les possessions françaises du Canada. Ayant organisé une petite flotte de corsaires, celui-ci, pour son premier exploit, captura, au commencement de 1628, dans l'embouchure du Saint-Laurent, une flotte de 18 vaisseaux qui transportaient un certain nombre de nouveaux colons dans la colonie, ainsi qu'une quantité de provisions, de marchandises et de munitions dont on avait grandement besoin et qu'on attendait avec anxiété à Québec. Il arriva que, juste à ce moment, le cardinal Richelieu, le grand ministre de Louis XIII, ému par les représentations de Champlain sur l'état misérable et l'avenir du Canada, et sur le peu de confiance qu'on pouvait avoir dans les efforts que pourraient faire de simples spéculateurs pour développer la colonie, se décida à prendre lui-même en main les intérêts de celle-ci. Le plan auquel il s'arrêta fut de créer une compagnie sur une base beaucoup plus étendue que celle sur laquelle avaient été établies les compagnies précédentes. Cette compagnie devait comprendre des personnes de haut rang, et agissant sous sa propre autorité. C'est ainsi que fut formée la Compagnie de la Nouvelle-France, plus généralement connue sous le nom de Compagnie des Cent-Associés. L'édit la constituant commençait, pour citer un écrivain contemporain, par « exposer en termes énergiques que toutes les associations commerciales précédentes avaient lamentablement failli à l'accomplissement de leurs engagements en matière de colonisation; et que les nouveaux associés étaient, en vertu de leur charte, obligés, de la manière la plus formelle et la plus positive, de transporter chaque année dans la colonie, à partir du commencement de 1628, de deux à trois cents colons sérieux et d'y envoyer, pendant les quinze années suivantes, au moins 4,000 personnes des deux sexes. » La charte contenait d'autres clauses utiles, y compris celle qui pourvoyait à l'entretien d'un clergé suffisant pour répondre aux besoins spirituels des colons et des indigènes. L'accomplissement de ces conditions donnait aux Associés la souveraineté absolue, sous l'autorité du Roi de France, de toutes les possessions françaises situées entre la Floride et les régions arctiques et, s'étendant depuis Terre-Neuve, aussi loin dans l'ouest qu'ils pourraient prendre possession du pays.
C'était en vue de la réalisation de ce plan qu'avait été envoyée la flotte capturée par Kirke. Si celui-ci avait décidé de faire voile immédiatement vers le St-Laurent avec une couple de vaisseaux bien équipés, Québec serait tout probablement tombé aux mains des Anglais dans l'été de 1628; mais Kirke ne voulait pas de combat qu'il pût éviter; et calculant habilement que le manque de provisions réduirait en quelques mois la garnison à une cruelle extrémité, il retarda son action jusqu'à l'année suivante.
Les choses arrivèrent comme il l'avait prévu, et quand il parut devant Québec, en juillet 1629, Champlain n'eut d'autre choix que de capituler. Pendant environ trois ans, les Anglais, sous le commandement d'un frère de Kirke, occupèrent donc la place, Champlain et la plupart des résidents français étant retournés en France.
Le 21 juillet 1629, le pavillon anglais avait été placé sur l'« Habitation » de Champlain; mais, déjà avant cette date, la paix avait été signée entre la France et l'Angleterre, et tout le travail de Kirke fut réduit à néant. Le Canada fut rendu à la France aux termes du traité de paix, et lui fut formellement remis au cours de l'été de 1632.
Il restait maintenant à voir ce que ferait la Compagnie instituée par Richelieu. En vérité, elle ne fit pas grande chose, quoiqu'elle semble avoir bien débuté, quand Champlain revint à Québec au mois de mai 1633, amenant avec lui plus de cent personnes se destinant à la colonisation. Mais sa vie utile touchait à sa fin, et le jour de Noël 1635, il mourut, dans sa soixante-neuvième année.
Un ou deux événements importants méritent une mention spéciale. En 1639, deux dames de distinction arrivèrent de France, pour se dévouer à la cause de l'éducation et de la charité. C'étaient Madame de la Peltrie, et Madame Guyard, cette dernière mieux connue sous le nom de Mère de l'Incarnation. L'oeuvre de leur vie est le couvent des Ursulines de Québec, où ont été s'instruire tant de générations de jeunes filles canadiennes-françaises et autres. En 1641, M. de Maisonneuve conduisit à Montréal une troupe de gens sérieux, en vue d'y fonder une colonie absolument chrétienne. Douze ans après, Sœur Marguerite Bourgeois établissait en cette ville la Congrégation Notre-Dame, institution ayant pour but l'éducation des filles, et qui s'est acquis une renommée continentale. L'année 1668 est glorieuse dans les annales canadiennes; elle vit en effet, ce qu'on a appelé les Thermopyles du Canada. Pour empêcher l'attaque de Montréal par une forte troupe d'Iroquois, Dollard, jeune habitant de cette ville, avec une vingtaine de compagnons, leur barra le chemin et défendit si énergiquement et si héroïquement la position qu'il avait fortifiée sur la rivière Ottawa, qu'il découragea les sauvages ennemis et leur fit rebrousser chemin. À l'exception d'un seul, tous les Canadiens périrent.
L'année 1659, (juste 100 ans avant la « conquête »), fut marquée par l'arrivée de Monseigneur de Laval, qui venait, avec le titre d'évêque « in partibus » de Pétrée et les pouvoirs de vicaire apostolique, présider aux destinées de l'Église de la Nouvelle-France : quinze ans devaient s'écouler avant qu'il reçût pleine autorité comme évêque de Québec. En février 1663, se produisit le plus violent tremblement de terre qui soit mentionné dans l'histoire du Canada. La population fut frappée de terreur, mais les dégâts causés à la propriété furent légers, il n'y eut pas de pertes de vie, et aucun auteur ne parle même de blessures encourues par les habitants. Ce fut la même année que la Compagnie de la Nouvelle-France reconnut son insolvabilité, et fit remise au Roi de tous ses droits et privilèges. Elle n'avait pas tenu ses engagements; en réalité, elle différa peu des autres compagnies moins fameuses qui l'avaient précédée, en s'occupant surtout d'intérêts commerciaux. Elle s'était obligée, comme nous l'avons vu, à établir au Canada au moins 4,000 colons en quinze ans, et cependant un recensement fait en 1666, trente-cinq ans après qu'elle eût commencé ses opérations, démontre que la population totale du pays n'atteignait pas 3,500 âmes.
Le Roi accepta la démission de la Compagnie, et suivant l'exemple de Richelieu, qui pensait qu'une plus grande compagnie pouvait réussir là où une plus petite avait failli, il commença à en établir une plus importante sous le nom de Compagnie des Indes Occidentales. Colbert, le grand Ministre de la Marine et des Colonies, et l'incarnation de ce que l'on a appelé le système mercantile, fut l'inspirateur de cette idée. Cependant, de même que le prestige de Richelieu n'avait pas sauvé la Compagnie de la Nouvelle-France de la ruine, de même, celui de Colbert et de son royal maître ne purent sauver la Compagnie des Indes Occidentales.
Le premier gouverneur de la Nouvelle-France qui se fît un nom dans l'histoire, est Louis de Buade, Comte de Frontenac, qui arriva au Canada en 1672; mais, quelques années plus tôt, un homme de plus grande valeur peut-être avait été envoyé au Canada comme intendant, c'était une sorte de ministre de la justice et des finances qui n'était que nominalement subordonné au gouverneur représentant personnellement l'autorité royale, et il était, en réalité, très indépendant de celui-ci. Cet homme était Jean Talon. Il semble avoir été le premier à comprendre les ressources industrielles et commerciales de la colonie, et il fut certainement le premier à prendre les premières mesures efficaces pour les développer. Mines, Pêcheries, Agriculture, Commerce du bois et une ou plusieurs autres industries, tout reçut son attention. Il retourna en France très peu de temps après l'arrivée de Frontenac, mais il avait donné à la vie économique du pays une impulsion qui eut des effets plus ou moins durables.
Frontenac, qui était un vieux soldat, établit de bonnes relations avec les Iroquois, qui avaient été les plus dangereux ennemis de la colonie, et gouverna avec énergie; mais ses relations avec l'intendant Jacques Du Chesneau, qui avait succédé à Talon après un intervalle de trois ans, furent des plus mauvaises, et ne furent pas très amicales non plus avec Monseigneur de Laval. Ces différends causèrent de si grands ennuis que le gouverneur et l'intendant furent rappelés tous deux en 1682. Deux gouverneurs, qui ne furent pas très remarquables, M. de la Barre, et le Marquis de Denonville, lui succédèrent; le premier demeura trois ans, et le dernier quatre ans au Canada, puis Frontenac, alors dans sa 70ème année, y fut de nouveau envoyé. Ce fut le jour de son départ de France, le 5 août 1689, qu'eut lieu le terrible massacre de Lachine par les Iroquois, raconté dans toutes les Histoires du Canada. Un mois avant, ou à peu près, Jacques II, ayant été détrôné, et remplacé par Guillaume d'Orange, la France avait déclaré la guerre à l'Angleterre. Aussi, Frontenac considéra-t-il comme son premier devoir en arrivant au Canada, d'organiser des attaques sur les colonies anglaises voisines. Le massacre de Lachine fut surpassé par un massacre exécuté par les Français et les sauvages à Schenectady, et deux ou trois autres expéditions du même genre furent couronnées de succès. Frontenac comptait sur l'effet que ces expéditions contre les Anglais auraient sur l'esprit des Iroquois ennemis de la colonie, et elles tendirent certainement à donner aux indigènes une idée de sa puissance. Cependant, quand il envoya des ambassadeurs à ces sauvages, ceux-ci les traitèrent avec une grande cruauté : deux furent brûlés, un autre terriblement battu et livré comme prisonnier aux Anglais.
Les colons anglais n'étaient pas disposés à subir ces attaques. En mai 1690, une expédition sous le commandement de Sir William Phipps, né dans le pays qui est maintenant l'état du Maine, et qui avait été créé chevalier par le roi Jacques II, pour certains services rendus dans la marine, fit voile vers la Nouvelle-Écosse et prit possession de Port-Royal et d'autres forts et établissements coloniaux de cette région. Ayant de beaucoup augmenté ses forces qui s'élevaient à environ 32 navires et plus de 2,000 hommes, il fit voile pour Québec, comptant bien prendre cette forteresse et mettre fin à la domination française dans l'Amérique du Nord. L'expédition fut un désastre complet et entraîna, pour la ville de Boston, de très lourdes pertes financières. Cependant, Monseigneur de Laval pensait que si la flotte qui fut longuement retardée par des vents contraires en remontant le Saint-Laurent, était arrivée une semaine plus tôt, Québec aurait été pris.
Le reste de la seconde administration de Frontenac fut marqué par des combats de frontière et des négociations avec les Indiens alliés et ennemis. Les Iroquois ne firent pas, pendant cette période, d'attaques sérieuses contre la colonie. En réalité, Frontenac conclut une paix générale qui fut ratifiée solennellement quelques années après. Il mourut le 28 novembre 1698.
Pendant le reste du régime français, l'histoire du Canada ne fut marquée par aucun événement bien important. La guerre de Succession d'Espagne où fut entraînée l'Angleterre, fit renaître la guerre sur les frontières canadiennes, et les deux principaux événements furent les massacres des colons anglais à Deerfield et à Haverhill, au Massachussetts (1708). Dans l'été de 1711, une puissante expédition fut envoyée contre Québec par le Saint-Laurent, sous le commandement de Sir Hovenden Walker. Si cette armée avait atteint Québec, elle eût été amplement suffisante pour renverser tout ce qu'on eût pu lui opposer, mais les éléments semblaient ligués contre l'envahisseur. Un certain nombre de transports chargés de troupes firent naufrage aux Sept Îles, et l'entreprise dut être abandonnée. Cependant, la guerre en Europe avait été désastreuse pour la France, et le traité d'Utrecht, en 1714, donna à l'Angleterre les possessions françaises d'Acadie et de Terre-Neuve. Les limites de l'Acadie n'étaient pas, à cette époque, définies avec exactitude, et les Français continuèrent à occuper l'embouchure de la rivière St-Jean, et ce qui est maintenant la ville du même nom. Le Cap Breton, ou comme ils l'appelaient, l'Île Royale, fut laissée en leur possession par le traité, ainsi que l'Île St-Jean, aujourd'hui Île du Prince-Édouard, et ils comprirent l'importance qu'il y avait de mettre la première dans un état de défense au moins suffisant. On s'appliqua spécialement à fortifier Louisbourg. La guerre ayant de nouveau éclaté entre la France et l'Angleterre, une expédition se forma dans la Nouvelle-Angleterre, sous le commandement de Sir William Pepperell, pour attaquer la forteresse française. Une flottille anglaise se joignit à cette expédition, et l'on s'empara de la place le 16 juin 1745.
La paix d'Aix-la-Chapelle, en 1748, restitua la forteresse et toute l'île à la France, au grand désappointement des habitants de la Nouvelle-Angleterre. Dix ans plus tard, le 26 juillet 1758, la guerre de Sept-Ans ayant éclaté, l'île passa de nouveau aux mains de la Grande Bretagne, après un siège dans lequel se distingua grandement le Général Wolfe, qui devait gagner des lauriers encore plus brillants l'année suivante, par la prise de Québec.
L'expédition contre Québec fit partie de la politique de guerre du grand William Pitt, Comte de Chatham, et ce fut lui qui désigna Wolfe pour la commander. L'escalade faite par l'armée de Wolfe, dans la nuit du 12 au 13 septembre 1759, des hauteurs dominant la ville, est un des incidents historiques les mieux connus de cette expédition. La bataille qui s'en suivit, dans la matinée du 13, est regardée à bon droit comme l'un des événements les plus décisifs de l'histoire du monde. Wolfe mourut dans les bras de la victoire; Montcalm, non moins brave soldat, fut emporté, fatalement blessé du champ de bataille, et expira le jour suivant. Québec se rendit aux Anglais, et la capitulation de Montréal mit, un an après, tout le pays en leur possession; cependant le traité de Paris qui céda le Canada à l'Angleterre, ne fut signé que le 10 février 1763.
La conquête du Canada délivra les colonies anglaises du sud, des craintes au milieu desquelles elles avaient vécu depuis près de cent ans, d'une attaque venant du nord; et bientôt elles commencèrent à résister au léger contrôle exercé sur elle par la Mère Patrie, contrôle presque exclusivement limité à leur commerce d'outre-mer, et largement compensé par d'importants privilèges sur les marchés anglais. Pendant une période de 15 ans après la conquête, le Canada fut gouverné militairement, et il exista une grande confusion dans l'administration de la justice et l'application générale des lois aux affaires publiques. En 1774, on prit une mesure importante en adoptant l'Acte de Québec, qui établissait un conseil ayant des pouvoirs législatifs limités, sanctionnait l'usage de la loi française en matière civile, confirmait aux ordres religieux la propriété de leurs biens, accordait le libre exercice de la religion catholique romaine, et autorisait la perception de la dîme par le clergé, sur les paroissiens. L'Acte définissait aussi les limites du Canada comme s'étendant au sud jusqu'à l'Ohio, et à l'ouest jusqu'au Mississipi. À cause de cela, et à cause aussi de la reconnaissance de l'Église Catholique Romaine, l'Acte fit grandement ombrage aux anciennes colonies, et l'année suivante vit, à la bataille de Lexington, le premier sang versé par suite de leur querelle avec la Mère Patrie.
Vers la fin de 1775, deux corps de troupes coloniales marchèrent contre le Canada, l'une sous les ordres de Montgomery, par le lac Champlain, et l'autre sous ceux de Bénédict Arnold, à travers les bois du Maine. Montréal fut pris, et les deux généraux réunirent leurs forces à quelques milles plus haut que Québec. Le 31 décembre, chacun d'eux fit, d'un endroit différent, une attaque contre la ville. Ces deux attaques furent repoussées. Montgomery fut tué, et Arnold blessé. Pendant tout l'hiver, les Américains restèrent campés, absolument inactifs, à l'ouest de la ville; au printemps ils retraitaient et, peu après, quittaient le pays.
La tâche qui incombait à la Grande Bretagne dans le gouvernement de sa nouvelle possession, demandait une somme de sagesse pratique que peu de ses hommes d'état possédaient. Les soldats qui dirigeaient la colonie, Murray, Carleton, Haldimand, étaient des hommes de caractère et d'intelligence; mais les difficultés qui s'élevaient entre les deux races qui se trouvaient face à face au Canada, à mesure que l'immigration anglaise commençait à se déverser dans le pays, aussi bien des Îles Britanniques que des colonies du sud, pouvaient difficilement n'être traitées qu'en théorie. Ce n'est que l'expérience et la force des choses qui peuvent dénouer de telles complications. L'Acte de Québec, qui avait créé un Conseil nommé par le roi, et non pas une Assemblée de représentants du peuple, ne satisfaisait pas les nouveaux venus. L'antagonisme de race causait des frictions à cette époque, et après mûre considération, et avoir entendu les représentants des diverses parties de la colonie, le gouvernement britannique décida de diviser la Province de Québec en deux provinces, celles du Haut et du Bas Canada, et de donner à chacune une Législature comprenant deux chambres : un Conseil nommé par le roi, et une Assemblée élective. À cette époque, la population du Bas-Canada était d'environ 165,000 âmes, tandis que celle du Haut-Canada n'était probablement pas inférieure à 15,000. La population du pays avait été, en général, grandement accrue par l'immigration, en partie volontaire et en partie obligatoire, des Loyalistes des États-Unis. Dans le Bas-Canada, les exilés s'établirent surtout dans cette portion de la province connue sous le nom de Townships de l'Est, et dans la presqu'île de Gaspé; tandis que dans le Haut-Canada, ils s'établirent dans les Townships bordant le fleuve Saint-Laurent, autour de la Baie de Quinte, dans le district de Niagara, et le long de la rivière Détroit. Cet élément nouveau de population était naturellement d'un caractère un peu conservateur, mais beaucoup vinrent ensuite dont les sentiments avaient une teinte plus républicaine.
Cependant, il n'y eut pas que les provinces canadiennes qui donnèrent accès à la population provenant de cette source. Des foules de Loyalistes dirigèrent leurs pas vers les provinces de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, et quelques-uns même allèrent dans l'Île du Prince-Édouard. Partout, ils choisirent pour s'y établir comme colons, des terres qui leur étaient accordées par le gouvernement britannique, et après une période de luttes suscitées par la nouvelle situation où ils se trouvaient, beaucoup trouvèrent le confort et la prospérité, sous l'étendard de leurs ancêtres. On remarquera que toutes ces provinces possédaient dans leur population ce qu'on a appelé un élément « préloyaliste » composé de colons venant de la Nouvelle-Angleterre et d'autres régions qui devinrent plus tard les États-Unis. Ces colons, à mesure que se développèrent des difficultés entre la Grande Bretagne et ses colonies américaines, ne manifestèrent pas généralement un sentiment britannique bien profond, et leurs relations avec les colons loyalistes venus plus tard, ne furent pas toujours cordiales.
La Nouvelle-Écosse, devenue britannique depuis sa cession par le traité d'Utrecht, reçut dès 1758, des institutions parlementaires, quoique l'administration en fût pratiquement entre les mains du gouverneur de la province et de son conseil. Jusqu'en 1784, elle fut considérée comme comprenant ce qui est maintenant le Nouveau-Brunswick et le Cap-Breton, mais cette année-là, chacun de ces deux derniers fut constitué en province. Cependant le Cap-Breton fut réuni en 1820 à la Nouvelle-Écosse, non sans une opposition considérable de la part de ses habitants.
Les institutions parlementaires données aux deux Canadas, par l'Acte de 1791, ne contribuèrent pas peu à activer la vie politique dans les deux provinces, de même qu'à stimuler l'immigration venant des États-Unis, et qui, il y a raison de le croire, avait été dans une certaine mesure retardée par la connaissance des conditions politiques quelque peu restreintes qui existaient au Canada vers cette époque. Au bout d'un certain temps, on commença dans les deux provinces, mais avec moins d'insistance dans le Bas que dans le Haut-Canada, à demander ce qu'on a appelé un « gouvernement responsable. » Quoique les deux Canadas vissent leur richesse et leur population augmenter constamment, il y avait un manque d'impulsion vigoureuse dans les affaires dépendant de l'action administrative et législative.
En l'absence de partis organisés, l'imposition des taxes était excessivement impopulaire et, sans appropriations convenables, on ne pouvait entreprendre de travaux publics ayant l'importance que demandaient les intérêts du pays. Dans le Haut-Canada, l'antagonisme grandissait entre le parti officiel, auquel on avait donné le nom de « Family Compact » et ceux qui désiraient des institutions plus libérales. Dans le Bas-Canada, un semblable état de choses se développait, mais était compliqué et aigri à un degré regrettable, par le sentiment de race. Les intentions du gouvernement local étaient bonnes, mais les besoins des deux provinces n'étaient qu'imparfaitement connus, et les gouverneurs militaires qu'on avait envoyés de l'extérieur n'étaient pas, en général, aptes à dénouer les situations politiques difficiles. Dans les deux provinces, le gouvernement avait à sa disposition certains revenus perçus aux termes d'une loi des Douanes Impériales (Impérial Customs Act), adoptée dès 1774, dans le but exprès de fournir les moyens nécessaires de pourvoir aux besoins du gouvernement civil. Dans les deux provinces, le parti libéral demandait que le revenu en question fût placé sous le contrôle de la législature locale. Dans le Haut-Canada, la chose fut arrangée à l'amiable, la Législature contrôlant le revenu et accordant, en retour, une allocation modérée permanente pour les dépenses les plus nécessaires occasionnées par l'administration civile. Dans le Bas-Canada, la législature contrôla aussi le revenu, comme le Gouvernement Impérial le lui avait offert, mais elle refusa d'accorder les mêmes allocations. Il s'en suivit plusieurs années de conflits politiques, la législature refusant les allocations financières, et le gouvernement étant obligé de prendre l'argent de la caisse militaire, afin de payer les appointements des fonctionnaires publics. Enfin, une Loi Impériale fut adoptée le 10 février 1837, suspendant la constitution du Bas-Canada, et autorisant l'application des fonds provinciaux aux dépenses nécessaires.
En suivant le cours du développement politique intérieur du pays, nous n'avons pas parlé d'une crise très sérieuse de son histoire passée, la guerre de 1812-15, qui est maintenant regardée comme la dernière occasion où, depuis un siècle entier, la Grande Bretagne et les États-Unis se soient fait face les armes à la main. Les causes du conflit n'ont aucun rapport avec l'histoire du Canada, et vinrent entièrement de la politique commerciale et navale de la Grande Bretagne, sous la tension de sa lutte mortelle et épuisante avec Napoléon Bonaparte, alors à l'apogée de sa puissance militaire. Cependant, le Canada, devint aussitôt le théâtre d'opérations militaires, et la loyauté des Canadiens envers la Mère Patrie fut soumise à une épreuve-noblement soutenue. Le commencement de la guerre fut signalé par le brillant succès du Général Brock, qui, en l'absence du lieutenant-gouverneur du Haut-Canada, M. Gore, était en même temps le chef militaire et civil de la province. Le 16 août 1812, il s'empara de Détroit, défendu par des troupes américaines de beaucoup supérieures en nombre aux siennes, et, le 13 octobre 1812, il livra la bataille de Queenston Heights, dans laquelle il repoussa les envahisseurs qui firent de lourdes pertes en tués, blessés et prisonniers, mais dans laquelle aussi tomba le brave Brock, victime de sa trop grande bravoure. La suite de la lutte fut marquée alternativement des deux côtés par des victoires et des défaites. Dans deux batailles navales, l'une livrée sur le lac Érié, le 10 septembre 1813, et l'autre sur le lac Champlain, le 11 septembre 1814, les flottes britanniques essuyèrent de sérieux revers, tandis que dans les engagements de Stony Creek, le 5 juin 1813, et de Chrysler's Farm, le 11 novembre 1813, et à la bataille décisive de Châteauguay, le 28 octobre 1813, la victoire demeura aux défenseurs du territoire canadien. Le principal effet de la guerre, qui se termina le 24 décembre 1814, par le traité de Gand, fut de fortifier au Canada le sentiment britannique, et de donner aux Canadiens des deux provinces un sentiment plus profond de confiance en eux-mêmes et dans la protection de la Mère Patrie, à l'heure du danger.
Le Bas-Canada ne souffrit que peu des déprédations de l'ennemi. Par contre, le Haut-Canada en souffrit sérieusement, York sa capitale ayant été prise et ses édifices publics brûlés en avril 1813, et une grande partie de sa frontière ayant été dévastée. Cependant, quand M. Gore retourna dans la province, en septembre 1815, il déclara que le pays était dans un état assez prospère, un peu plus même qu'avant la guerre, à cause de la grande quantité d'argent que les dépenses nécessaires avaient fait mettre en circulation.
Vers la fin de l'année 1837, pour reprendre l'histoire domestique du pays, les dissensions politiques dont nous avons parlé plus haut, aboutirent à une rébellion armée qui s'éleva dans les deux provinces canadiennes, mais qui fut promptement réprimée, spécialement dans le Haut-Canada, où elle fut confinée à une partie relativement peu considérable de la population, et se produisit à un moment où le gouvernement provincial sous Sir F. B. Head, était supporté par une grande majorité, dans le corps législatif.
Comme résultat de ces troubles, le gouvernement Impérial décida d'envoyer un commissaire spécial chargé de faire une enquête complète non seulement sur la situation canadienne, mais sur l'état général de toutes les provinces du nord de l'Amérique, car toutes avaient souffert à un degré plus ou moins élevé des troubles politiques, pour savoir s'il ne serait pas possible d'apaiser l'irritation et, par certains changements judicieux, de permettre aux choses, dans toutes les provinces, de fonctionner sur une base satisfaisante. Le commissaire choisi fut le Comte de Durham, gendre du second Comte Grey, homme d'un talent remarquable, et ayant des idées libérales avancées.
Celui-ci arriva à Québec le 29 mai 1838, avec les pouvoirs de Gouverneur Général de toute l'Amérique Britannique du Nord. Son séjour dans le pays ne dura que cinq mois, mais il put cependant, en janvier 1839, déposer devant le gouvernement britannique un rapport complet traitant principalement des affaires des deux Canadas. Il reconnut, comme on avait pu s'y attendre, que le temps était venu d'accorder une plus grande somme d'indépendance politique aux deux provinces, et, sans indiquer l'étendue qu'il était prêt à donner au principe, il fit comprendre clairement que, dans son opinion, le principal remède à appliquer était le « gouvernement responsable. » Cependant, l'établissement de ce gouvernement ne pouvait se faire que par une réunion des provinces, afin de satisfaire les deux races qui se partageaient le Canada, et d'obtenir autant que possible, leur concours harmonieux pour assurer les destinées du pays. Les autorités impériales approuvèrent la suggestion, qu'elles reconnaissaient cependant devoir entraîner de très grandes difficultés. Il est possible que Lord Durham eût été chargé de réaliser cette suggestion s'il n'eût pas résigné très vivement ses pouvoirs, à cause de la critique qu'une de ses mesures particulières avait rencontrée dans le Parlement britannique, critique contre laquelle le gouvernement ne l'avait pas, dans son opinion, protégé comme il eût dû le faire. L'homme qui, dans les circonstances, fut désigné pour accomplir cette tâche, fut Charles Poulett Thomson, élevé ensuite à la pairie sous le nom de Baron de Sydenham et Toronto.
Thomson arriva à Québec en octobre 1839, et s'appliqua avec une grande ardeur à la tâche qu'on lui avait confiée, et dont la partie la plus difficile était de rendre la proposition acceptable à la province du Haut-Canada, alors en pleine possession de ses droits constitutionnels. Comme on l'a déjà dit, la constitution du Bas-Canada avait été suspendue et avait été remplacée par la nomination d'un Conseil Spécial à pouvoirs limités. Après des négociations très énergiques, Thomson réussit à réduire certaines demandes excessives de l'ouest, et comme le Conseil Spécial du Bas-Canada était favorable au nouveau projet, il put esquisser un bill que le gouvernement britannique adopta avec quelques modifications et fit approuver par le Parlement en 1840. Les élections générales eurent lieu en février 1841, et la législature des provinces unies se rassembla en juin de la même année. Le 3 septembre, M. Robert Baldwin, représentant alors le district électoral de North York, proposa certaines résolutions affirmant le principe du gouvernement responsable, et qui furent acceptées sans ou avec peu d'opposition. Le lendemain, Lord Sydenham, qui avait reçu ce titre depuis quelques semaines, fut victime d'un fatal accident de cheval. Il mourut le 19 septembre 1841.
Les Canadiens-Français étaient presque sans exception opposés à l'union, et il fut donc impossible, à cette époque, d'obtenir la coopération d'aucun de leurs chefs dans la formation d'un ministère. Sir Charles Bagot, successeur de Lord Sydenham, reconnut pleinement, comme ce dernier l'avait fait sans doute lui-même, que la situation était très mauvaise; de plus, il voyait avec quelle facilité une combinaison pouvait se former à tout moment, dans l'assemblée, avec l'aide du vote canadien-français, pour renverser son gouvernement. Il vit sans doute qu'une combinaison de ce genre était sur le point de se former, et il résolut de demander à M. Lafontaine, le plus influent des Canadiens-Français de la Chambre, s'il ne consentirait pas à entrer dans le Cabinet. Cet homme d'état se déclara prêt à accepter la proposition, à condition que M. Baldwin entrerait aussi dans le Cabinet, et qu'en même temps on y ferait un ou deux autres changements, et l'affaire fut arrangée en conséquence. Le gouvernement ainsi formé peut être regardé comme le premier ministère canadien, dans l'acception ordinaire du mot.
Sir Charles Bagot mourut à Kingston au printemps, de 1843, après une longue et douloureuse maladie. Son successeur, Sir Charges Metcalfe, se trouva en désaccord avec ses Ministres sur une question de patronage, et tous, à l'exception d'un seul, donnèrent leur démission. Suivit une élection générale qui eut comme résultat que le Gouverneur-Général fut soutenu par une énorme majorité dans le Haut-Canada, tandis que le Bas-Canada donna une majorité presque égale en faveur du dernier gouvernement. Le gouvernement Draper-Viger, qui arriva ensuite au pouvoir, fut très peu supporté par l'Assemblée, et dans l'élection générale de janvier 1848, alors que Lord Elgin était Gouverneur-Général, Baldwin et Lafontaine rentrèrent en charge par une grande majorité. Un membre important de leur gouvernement fut M. (plus tard Sir) Francis Hincks, qui occupa le poste d'Inspecteur Général ou, comme on dirait aujourd'hui, de Ministre des Finances. Baldwin et Lafontaine s'étant retirés en 1851, le gouvernement fut remanié, avec M. Hincks comme premier ministre et M. A. N. Morin, comme chef de la section du Bas-Canada.
On doit beaucoup de lois utiles au ministère Baldwin-Lafontaine. Seule, la session de 1849 a donné : L'Acte de la Judicature; L'Acte des Corporations Municipales, qui donna au Canada un système pratique de gouvernement local, à peu près le même que celui qui existe aujourd'hui; L'Acte pour amender la charte de l'Université de Toronto, et étendant beaucoup la base de cette institution; une Loi d'Amnistie qui permit aux rebelles de 1837-38 qui n'avaient pas encore reçu leur pardon, de revenir au pays; et la Loi sur les pertes causées par la rébellion. Cette dernière, quoique rédigée soigneusement pour exclure de tout dédommagement les personnes qui avaient participé activement à la rébellion, fut représentée par certains adversaires du gouvernement, comme destinée à récompenser ces personnes; et sa signature par Lord Elgin fut suivie d'émeutes à Montréal, alors siège du gouvernement. Le Gouverneur Général fut attaqué par la populace alors qu'il passait en voiture dans les rues, et le 25 avril 1849, au commencement de la soirée, le palais de la Législature fut incendié et totalement détruit. Il en résulta que le siège du gouvernement fut transporté à Toronto, dans l'automne de la même année, et qu'on adopta un système par lequel cette ville et Québec seraient alternativement le siège du gouvernement. Le ministère de M. Hincks fut surtout remarquable par les mesures prises pour développer au Canada un système de chemins de fer, et par l'adoption d'un traité de réciprocité entre le Canada et les États-Unis. Lord Elgin prit le plus grand intérêt à la rédaction des clauses de ce traité, et ce fut, dans une grande mesure, grâce à son habile diplomatie et à ses facultés extraordinaires de persuasion que les négociations aboutirent à un succès. M. Hincks lui-même alla à Washington et soutint très fortement le traité dans des documents soumis au Congrès. Le Canada bénéficia certainement de ce traité, en particulier quand la déclaration de la guerre de Sécession (1861) entraîna une augmentation considérable dans la demande des produits agricoles de toutes sortes.
Quoiqu'il soit hors de doute que l'union des provinces et l'adoption du gouvernement responsable aient stimulé l'activité générale du pays, en augmentant le courant de la vie sociale et politique du Canada, de graves difficultés politiques ne furent cependant pas longues à se produire. De très profondes différences existaient entre les parties est et ouest de la province, et tout parti politique reposant principalement sur les votes de l'une des provinces, était sûr d'encourir une vive opposition dans l'autre. Le gouvernement Draper-Viger, formé par Sir Charles Metcalfe, reposait surtout sur les votes à lui donnés par le Haut-Canada; le gouvernement Baldwin-Lafontaine qui suivit, était surtout soutenu par les votes du Bas-Canada. L'Acte d'Union avait donné à chaque section de la province une égale représentation de 42 membres à l'Assemblée. À cette époque, c'était le Bas-Canada qui avait la plus forte population; mais il ne s'écoula pas bien des années avant que, principalement à cause de l'immigration, la supériorité du nombre fût en faveur du Haut-Canada. Il se fit alors de l'agitation dans l'ouest en faveur d'une représentation reposant sur le chiffre de la population, mais le Bas-Canada résista fortement à cette demande. Le gouvernement Hincks fut défait en 1854, par une coalition des conservateurs et des partisans de la réforme, et fut remplacé, en septembre de la même année, par une coalition dirigée par le premier ministre, Sir Allan MacNab. Le nouveau gouvernement mit à exécution deux mesures très importantes : la sécularisation des réserves du clergé, qui pendant plus de vingt ans avait donné lieu à des controverses sérieuses dans le pays, et l'abolition de ce qu'on appelait, dans le Bas-Canada, la Tenure Seigneuriale. Ces deux mesures étaient des mesures de progrès, et la première fut aussi fortement approuvée dans le Haut-Canada, que la seconde le fut dans le Bas-Canada.
En 1855, le siège du gouvernement qui avait été transporté de Toronto à Québec, au cours de l'automne de 1851, fut de nouveau réinstallé dans la première de ces villes, où il demeura jusqu'à l'été de 1859. Ce fut durant cette période que la question de fixer définitivement le siège du gouvernement fut décidée en faveur d'Ottawa par Sa Majesté la reine Victoria, à qui un vote du Parlement Canadien avait laissé ce soin. Dans l'intervalle, un progrès considérable s'était produit dans le développement matériel du pays. Même avant l'Union, on avait pris des mesures importantes pour développer le système des canaux. Le canal de Lachine fut ouvert au trafic en 1825; le canal Welland, le fut en 1829; Le Canal Rideau, construit entièrement aux frais du gouvernement Impérial, fut ouvert en 1842; et le canal de Burlington, qui faisait de Hamilton un port sur les lacs, le fut la même année. En 1832, la Législature du Haut-Canada accorda des fonds pour la construction du Canal de Cornwall, mais, diverses causes, y compris la rébellion, entravèrent la marche de ce travail, qui ne fut terminé qu'à la fin de 1842. Depuis cette époque, le système des canaux fut encore développé et amélioré, et le progrès s'est continué jusqu'à nos jours. On évalue à plus de $20,500,000 les dépenses totales faites en faveur des canaux canadiens, jusqu'à la date de la Confédération.
Le premier chemin de fer à vapeur du Canada fut établi entre Laprairie, au pied des rapides de Lachine, sur la rive sud du Saint-Laurent, et St-Jean, sur la rivière Richelieu : c'était un anneau de plus dans la chaîne des communications par eau et par voie ferrée, entre Montréal et New‑York. Ce chemin de fer fut inauguré en 1837. Deux ans plus tard, on ouvrit entre Queenston et Chippewa, une nouvelle voie autour des rapides et des chutes de la rivière Niagara. En 1847, une nouvelle ligne se construisit entre Montréal et Lachine. Cependant, la période qui s'écoula entre 1850 et 1860 fut réellement celle de l'expansion des chemins de fer, avant la Confédération. En 1853 et en 1854, le Great Western Railway relia Niagara Falls et Hamilton, London et Windsor. En 1853, on compléta les communications entre Montréal et Island Pond, en raccordant par une voie ferrée ce dernier endroit à Portland, et en 1854, on établit, entre Québec et Richmond, une ligne qui relia également Québec et Montréal. En décembre 1855, on fit communiquer Hamilton avec Toronto, et en 1856, le chemin de fer du Grand Tronc relia Montréal à Toronto. Le Northern Railway, de Toronto à Collingwood, fut terminé en 1855, et le « Buffalo & Lake Huron Railway », entre Fort Érié et Goderich, le fut en 1858, quoique certaines de ses sections fussent alors, déjà complétées et en exploitation. La navigation sur les rivières et les lacs se développa sans ralentissement, depuis 1809, où un bateau à vapeur nommé « Accommodation », appartenant à M. John Molson de Montréal, commença à naviguer entre Montréal et Québec. En 1816, on lança le « Frontenac, » sur le lac Ontario. Depuis, chaque année vit des vaisseaux plus grands et plus rapides parcourir nos eaux intérieures, et les principaux promoteurs des entreprises de navigation à vapeur furent l'honorable John Hamilton, de Kingston, dans le Haut-Canada, et l'honorable John Molson, dans le Bas-Canada. Vers le milieu de la période 1850-1860, de grandes et puissantes compagnies de navigation à vapeur s'étaient déjà établies, quand la concurrence du Grand Tronc, qui s'était étendu section par section, porta un coup sérieux aux entreprises de transport sur les lacs et les rivières.
Ce fut à la même époque qu'on inaugura des lignes de navigation à vapeur entre le Canada et la Grande-Bretagne. M. Hugh Allan, de Montréal, qui reçut plus tard le titre de Sir, fut le pionnier de cette importante entreprise. Dès 1853, quelques navires d'environ 1200 tonnes furent affectés au trajet entre Montréal et Liverpool, et en 1855, la compagnie Allan obtint le contrat du service postal bimensuel, qui commença l'année suivante. Les débuts de cette entreprise furent marqués par une série sans égale de désastres fort décourageants; mais, avec une énergie inflexible, les propriétaires de la ligne Allan tinrent bon, réparèrent leurs pertes le mieux possible, et réussirent graduellement à donner un service d'une régularité et d'une sécurité remarquables.
En 1856, M. John A. Macdonald, qui reçut plus tard lui aussi le titre de Sir, et qui, comme Procureur Général de l'Ouest, a peut-être été l'homme qui exerça la plus grande influence dans le gouvernement de coalition, succéda comme premier ministre à Sir Allan MacNab, qui, à cause de sa mauvaise santé, avait donné sa démission. Depuis cette époque, l'esprit de parti prit chaque jour de la vigueur. Quoiqu'une certaine section du Parti de la Réforme eût soutenu le gouvernement de Coalition, la majorité de ce parti, était restée dans l'opposition sous la conduite de George Brown, dont la politique, quoiqu'elle lui eût gagné beaucoup d'adhérents dans l'ouest du Canada, eut un effet contraire dans le Bas-Canada, et tendit ainsi à faire naître plus ou moins d'antagonisme entre les deux sections de la province.
L'idée d'une Confédération des provinces britanniques de l'Amérique du Nord avait été discutée plusieurs fois, dès le commencement de l'histoire de ces provinces. Il en avait été question en 1791, quand fut débattu, à la Chambre des Communes, l'Acte Constitutionnel, ou Acte du Canada. William Lyon MacKenzie l'avait suggérée en 1825, mais Lord Durham, qui l'avait prise en considération, la crut irréalisable à cette époque. L'idée fut reprise et fortement soutenue par la « British American League, » organisation politique éphémère, à tendances conservatrices, formée à Montréal en 1849, et ayant des ramifications dans d'autres villes. En 1851, on porta la question devant la Législature, mais une motion ayant pour but d'envoyer une adresse à la Reine, à ce sujet, n'obtint que sept votes. Cependant, en 1858, M. A. T. Galt, qui reçut plus tard le titre de Sir, prononça un discours énergique en faveur de l'idée. Dans l'été de cette année, le gouvernement de M. J. A. Macdonald fut défait sur une motion gouvernementale, mais il revint au pouvoir après un intervalle de deux jours, pendant lequel M. Brown avait formé un gouvernement, puis avait dû démissionner sur le refus du gouverneur, Sir Edmund Head, de dissoudre le Parlement. Dans la formation du nouveau gouvernement, M. Cartier remplaça M. Macdonald comme premier ministre, tandis que M. Galt, qui n'avait rempli auparavant aucune fonction, devint Inspecteur Général, à condition que la politique du gouvernement serait de soutenir et de promouvoir une union entre les colonies. Cependant la situation politique de la Grande Bretagne n'était alors favorable à aucune action décisive, et quelques années s'écoulèrent avant que la question fût discutée d'une manière pratique.
Jusqu'à la fin de 1861, il y eut une grande agitation dans le pays, à cause de l'affaire du Trent avec les États-Unis. À un moment donné, une guerre semblait imminente entre la Grande Bretagne et la République. Ce fut sans doute sous l'influence du sentiment, pour ne pas dire des appréhensions nationales, ainsi soulevé, que le gouvernement de M. Cartier présenta un Bill de la Milice d'une grande portée. À cette époque, le gouvernement n'était que fort peu soutenu, et il essuya, à propos du Bill de la Milice, une défaite décisive, largement due à l'impopularité de cette mesure dans le Bas-Canada. M. Cartier et ses collègues ayant donné leur démission, M. J. S. Macdonald fut chargé de la tâche de former un gouvernement. Deux administrations éphémères suivirent, et l'on crut que le gouvernement parlementaire, tel que constitué alors au Canada, avait reçu un coup mortel. Sur plusieurs questions fondamentales, il y avait opposition de vues entre le Canada oriental et le Canada occidental, ce qui mettait chaque gouvernement qu'on put former dans l'impossibilité d'être convenablement soutenu. Ce fut alors que l'idée d'une union plus grande, et du relâchement des liens mutuels dans lesquels luttaient le Haut et le Bas-Canada, s'imposa d'elle-même à l'attention des chefs des deux partis.
Le chef du mouvement, en cette nouvelle occasion, fut indubitablement M. George Brown, qui, au début de la session, avait été nommé président d'un Comité devant examiner les meilleurs moyens de remédier aux difficultés politiques dont on vient de parler. Le Comité s'était prononcé en faveur d'un système fédératif, soit entre le Haut-Canada et le Bas-Canada, ou entre toutes les colonies de l'Amérique Britannique du Nord. M. Brown ayant consenti à coopérer, dans ce sens, au besoin, avec ses adversaires politiques, un gouvernement de Coalition se forma, sous la conduite de M. J. A. Macdonald, M. Brown acceptant la position de Président du Conseil.
Juste à la même époque, les trois provinces maritimes de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de l'Île du Prince-Édouard étudiaient la question d'une union fédérale entre elles, et avaient organisé une assemblée à Charlottetown, au mois de septembre, pour étudier la chose. Une délégation de la Législature Canadienne alla à cette assemblée attirer l'attention des délégués des provinces maritimes sur un projet d'une plus grande portée. On convint d'ajourner au 10 octobre la Convention qui devait de nouveau se rassembler, mais, cette fois à Québec. Des délibérations qui eurent alors lieu, sortit le Dominion du Canada tel qu'il existe aujourd'hui; car, quoique la Fédération, telle qu'établie par l'Acte de l'Amérique Britannique du Nord, ne comprît que les provinces d'Ontario et de Québec (Haut et Bas-Canada), le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, on avait prévu l'entrée, dans la fédération, des autres provinces et parties de l'Amérique Britannique du Nord, à mesure que l'occasion s'en présenterait. L'effet immédiat de la Confédération fut de relâcher la tension existant entre le Haut et le Bas-Canada, et, tout en pourvoyant à un plus large champ d'action, de donner une vie politique nouvelle et plus étendue à toutes les provinces faisant partie de l'union.
L'histoire politique du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse, dans la période qui précéda la Confédération, ressemble beaucoup à celle du Haut et du Bas-Canada. Comme on l'a déjà dit, le Nouveau-Brunswick devint une province séparée en 1784. Sa première assemblée législative qui comprenait 26 membres, se réunit à Fédéricton, en janvier 1785. On devait s'attendre à ce que les autorités Impériales, traitant avec une population éparse, répandue sur de grandes étendues du territoire acquis par les armes britanniques, dussent les pourvoir d'institutions et de méthodes d'administration ayant, jusqu'à un certain point, un caractère paternel. Il était naturel qu'on agît tout d'abord au point de vue impérial; mais à mesure que les institutions s'enracinaient avec le temps et par la force de l'habitude, deux tendances opposées se produisirent en même temps: la tendance, pour le système strictement colonial, à se consolider lui-même et à former des intérêts acquis, et la tendance de la population toujours croissante, à demander pour le peuple une plus grande mesure d'initiative politique, et une responsabilité bien définie du gouvernement envers l'opinion publique. À cet égard, la principale différence entre les provinces maritimes et les deux Canadas fut que, tandis que dans ces derniers, on recourut à des moyens violents pour établir des réformes, dans les premières on s'en tint strictement aux méthodes constitutionnelles. Dans la Nouvelle-Écosse, la cause de la réforme trouva son plus fort champion dans Joseph Howe; dans le Nouveau-Brunswick, la direction du mouvement fut prise par des hommes tels que E. B. Chandler et L. A. Wilmot. On peut dire que ce fut en 1848 et en 1849 que fut pleinement reconnu et établi, dans toutes les provinces, le principe du gouvernement responsable.
Le principe de la représentation basée sur la population fut mis en pratique par l'Acte de l'Amérique Britannique du Nord, en ce qui concerne la constitution de la chambre élective, qu'on devait appeler ensuite « Chambre des Communes. » Dans l'ancienne Législature Canadienne, chaque section de la province élisait 65 membres. La nouvelle province de Québec conserva ce même nombre de représentants, et l'on décida que la représentation des autres provinces serait au chiffre de leur population ce que le chiffre 65 est à celui de la population de la province de Québec. Dans la Chambre Haute, ou Sénat, on établit égalité de représentation entre Ontario et Québec, chacune de ces provinces y ayant 24 sièges, tandis que le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse en eurent chacun douze. On pourvut équitablement aux dettes des diverses provinces, et l'on fit un paiement de tant par tête de la population, pour les dépenses provinciales, sur le Revenu Fédéral provenant des douanes, de l'accise, etc. Au cours des quelques années suivantes, on fit pour la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick certains nouveaux arrangements financiers que des circonstances particulières semblaient demander.
Dans l'ancienne province du Canada, l'extinction des droits de la Compagnie de la Baie d'Hudson sur la terre de Rupert et les Territoires du Nord-Ouest, et l'acquisition et l'organisation de ces vastes territoires avaient, à diverses reprises, occupé l'attention du gouvernement et de la législature. En 1856, la chose fut très débattue dans la presse, et en 1857, le Juge en Chef Draper fut envoyé en Angleterre pour discuter la chose. L'année suivante, le gouverneur-général disait dans le discours du trône : « On déposera devant vous la correspondance relative à la Compagnie de la Baie d'Hudson et à son territoire. Vous devrez considérer les propositions faites à la Compagnie par le Secrétaire d'État de Sa Majesté pour les Colonies, et bien étudier la portée de ces propositions sur les intérêts et les droits du Canada. On vous soumettra aussi des documents indiquant clairement les mesures prises par le gouvernement provincial pour la revendication de ces intérêts et de ces droits, et pour leur maintien futur. »
Cependant, ce ne fut que quand la Confédération fut un fait accompli, qu'une action définitive fut prise par la Législature du Canada relativement à cette si importante matière. Dans la première session du Parlement Fédéral, on adopta une adresse à la Reine, contenant certaines résolutions proposées par l'hon. Wm. McDougall. MM. McDougall et Cartier furent envoyés en Angleterre pour suivre de près la chose, et, après quelques mois de négociations, ils réussirent à arranger le transfert dans des conditions satisfaisantes.
La première province formée avec les territoires cédés, fut le Manitoba. Point n'est besoin d'entrer ici dans les détails des difficultés qui retardèrent de quelques mois l'entrée de la nouvelle province dans le Dominion, et qui venaient des appréhensions qu'avait la population métisse, que certains droits regardés par elle comme acquis de jouissance immémoriale, ne fussent pas dûment protégés. Une troupe expéditionnaire commandée par Sir, plus tard Feld-Maréchal Vicomte Garnet Wolseley, fut envoyée dans la région soulevée, mais avant son arrivée à Fort Garry, le 24 septembre 1870, toute opposition avait cessé. La date de l'établissement légal de cette province, fut le 15 juillet 1870. À la même date, les Territoires du Nord-Ouest furent soumis à un gouvernement territorial. Le développement subséquent de toute la région occidentale, l'agrandissement deux fois répété du Manitoba, la création, sur les territoires du Nord-Ouest, des deux provinces de Saskatchewan et d'Alberta, et du territoire du Yukon, sont des choses dont on se souvient encore. Les six cartes des pages 20, 21 et 22, indiquent le développement politique du Canada, de 1841 à l'époque actuelle.
À la date de la Confédération, la Colombie-Britannique avait un gouvernement provincial séparé dont l'établissement datait de 1858. La législature provinciale ayant adopté des résolutions en faveur de l'union avec le Canada, à certaines conditions spéciales, comprenant la construction d'un chemin de fer transcontinental et le maintien d'un service maritime entre Victoria et San Francisco, une adresse demandant à la Reine de faire exécuter cette mesure fut adoptée par le Parlement Fédéral, et le 20 juillet 1871, la province du Pacifique entra dans la Confédération. Deux ans après, le premier juillet 1873, l'Île du Prince-Édouard y fut admise. Plusieurs fois, on entama des négociations pour y faire entrer Terre-Neuve, mais elles ont été jusqu'ici sans résultat.
Dans l'année qui précéda la Confédération, le traité de réciprocité conclu en 1853 avec les États-Unis, fut abrogé. Cette mesure causa d'abord une dépression dans le commerce canadien, mais eut comme résultat principal de faire rechercher activement d'autres marchés, et, en 1866, une commission dont l'hon. William McDougall était le chef, fut envoyée dans ce but aux Antilles et dans l'Amérique du Sud. Cependant, on essaya d'obtenir le renouvellement du traité, et l'on envoya à Washington des délégués pour discuter la chose. Leur mission n'eut aucun succès. Ce fut la même année qu'eut lieu l'attaque des Fénians, composés principalement de soldats venant des armées débandées de l'Union Américaine sur la frontière du Niagara. Dans un engagement qui se produisit près du village de Ridgeway, les volontaires canadiens subirent, relativement à leur nombre, des pertes considérables; mais les ennemis apprenant l'arrivée d'un corps de troupes régulières, traversèrent du côté américain où ils furent arrêtés par les autorités civiles.
Un événement important de l'histoire des débuts du Dominion, fut la négociation du traité de Washington en 1871. L'abrogation du traité de réciprocité, cinq ans plus tôt, avait mis fin, dans les eaux britanniques, au droit de pêche dont les Américains avaient joui pendant la durée du traité. Cependant, les pêcheurs américains avaient été lents à reconnaître ou à accepter le changement; avec ou sans traité, ils désiraient encore jouir des privilèges auxquels ils s'étaient accoutumés. Quelques-uns de leurs navires ayant été saisis et confisqués, il s'éleva beaucoup de mécontentement, et comme les réclamations de l'Alabama n'étaient pas encore réglées, l'état de choses entre la Grande Bretagne et les États-Unis était loin d'être satisfaisant, s'il n'était pas alarmant.
Ce fut dans ces circonstances qu'on décida de soumettre les principaux points discutés ou douteux entre les deux contrées à une Commission Collective compremant cinq membres de chaque pays; et le Premier Ministre Canadien, Sir John A. Macdonald fut nommé pour faire partie des représentants britanniques, afin de soutenir les intérêts du Canada. Cette Commission accomplit quelque travail utile, en trouvant moyen de régler les réclamations de l'Alabama et la question de San Juan; mais, quoique le Parlement canadien eût ratifié les clauses relatives aux intérêts canadiens, le sentiment général était que ces intérêts avaient, dans une certaine mesure, été sacrifiés. Les pêcheries devaient demeurer ouvertes aux Américains pendant une période de dix ans, et une Commission devait décider de la compensation qui serait payée au Canada pour ce privilège. Les Américains devaient pouvoir naviguer librement sur le Saint-Laurent et se servir des canaux du Canada aux mêmes conditions que les Canadiens, et ces derniers devaient naviguer librement sur le lac Michigan. On avait espéré pouvoir obtenir quelques compensations pour les pertes que nous avaient infligées les Fénians, mais les Américains, malgré l'âpreté qu'ils avaient mise à réclamer une indemnité pour les pertes subies par l’Alabama, refusèrent absolument de discuter aucune proposition.
Le gouvernement qui avait été formé pour établir la Confédération, subit un changement important avant que cet événement eût lieu. M. George Brown démissionna au mois de décembre 1865, donnant pour raison une différence d'opinion entre lui et ses collègues, quant à l'avantage de presser les négociations avec le gouvernement de Washington, à propos de la réciprocité, ce à quoi, M. Brown s'opposait. Plus tard, quand la Confédération fut un fait accompli, une question politique s'éleva, à savoir, si le gouvernement garderait ou non son caractère de coalition. On peut rappeler ici que, pour marquer cet événement important, M. J. A. Macdonald avait été fait Chevalier du Bain (K.C.B.), et que peu après, le rang de Baronnet avait été conféré à M. G.-É. Cartier, et celui de Chevalier à MM. A.T. Galt et H.-L. Langevin. Sir John Macdonald désirait garder ses collègues partisans de la réforme, tandis que M. Brown soutenait qu'ils devaient se retirer; ils décidèrent de rester.
Depuis quelques années, le Gouvernement Impérial retirait ses troupes du Canada : en novembre 1871, les derniers soldats anglais quittèrent le pays.
La première élection, sous la Confédération, donna au gouvernement une forte majorité. La seconde, qui eut lieu en 1872, lui fut de nouveau favorable, quoique sa popularité eût été un peu diminuée par le mécontentement causé par le traité de Washington, ratifié l'année précédente. Les révélations faites, l'année suivante, sur les moyens pris par le gouvernement pour obtenir les fonds d'élection, amenèrent une crise ministérielle. Pour éviter une défaite imminente à la Chambre des Communes, Sir John Macdonald donna sa démission le 5 novembre 1873, et M. Alexander Mackenzie, chef reconnu de l'opposition, fut appelé à former un gouvernement. Une élection générale donna, au début de l'année suivante, une grande majorité à la nouvelle administration.
D'après une convention avec la Colombie-Britannique, on devait commencer la construction du chemin de fer Transcontinental deux ans après l'entrée de cette province dans le Dominion, et en 1872, le gouvernement de Sir John Macdonald s'occupait de cette question, quand fut adoptée une loi définissant les conditions auxquelles une compagnie pourrait construire la ligne. Le changement de gouvernement entraîna certains changements de politique dans la question des chemins de fer; mais le gouvernement Mackenzie ayant été défait dans les élections générales de septembre 1878, et Sir John Macdonald étant revenu au pouvoir avec une forte majorité, la conduite de l'entreprise passa de nouveau dans ses mains. D'après le plan d'abord adopté, le chemin de fer devait être construit en sections par le gouvernement; mais les difficultés qui se présentèrent furent telles qu'en 1880 les travaux furent donnés à un syndicat qui entreprit de former une compagnie pour construire une voie ferrée allant d'un point voisin de North-Bay, Ontario, jusqu'au Pacifique, moyennant un paiement comptant de $25,000,000, et une concession de 25,000,000 d'acres de terre dans ce qu'on appelle la « Zone Fertile. » Le contrat contenait d'autres clauses qu'on ne peut donner ici en détail. Certaines sections de la ligne que le gouvernement avait déjà construites, ou qu'il construisait à cette époque, furent également données à la compagnie. Ce fut l'origine du Chemin de fer Canadien du Pacifique, qui est devenu depuis l'une des plus puissantes compagnies du monde, n'administrant pas moins de 11,500 milles de chemin de fer.
À l'établissement de la Confédération, le gouvernement Impérial avait garanti un prêt de £3,000,000 sterling, relativement à la construction du chemin de fer Intercolonial, travail dont la nécessité était depuis longtemps ressentie par les provinces qu'il devait relier, et à l'exécution duquel beaucoup d'efforts avaient déjà coopéré. Il y eut néanmoins beaucoup de retards dans la construction de la ligne qui ne fut ouverte dans toute sa longeur qu'en 1876. La même année fut encore marquée par l'établissement de la Cour Suprême du Canada, comme cour d'appel des jugements rendus par les cours provinciales. L'année suivante, une Commission Internationale établie d'après les clauses du traité de Washington, et qui siégea à Halifax, pour déterminer la somme à payer au Canada pour la concession de dix ans accordée aux États-Unis dans l'affaire des pêcheries, accorda $5,500,000 au Canada.
Le changement de gouvernement en 1878, fut généralement considéré comme dû au sentiment croissant dans le pays en faveur d'une politique de protection pour le Canada, politique qu'avait adoptée le parti Conservateur, mais à laquelle était fortement opposé M. Mackenzie le chef Libéral. Un tarif, qu'on peut regarder comme étant la première phase de ce qu'on a appelé depuis « La Politique Nationale, » fut présenté par Sir Léonard Tilley, alors Ministre des Finances, pendant la session de 1879; ce tarif eut pour effet d'élever les droits de douane d'environ trente pour cent. Le premier tarif adopté sous la Confédération, quoique établissant le libre échange entre les provinces, avait imposé des droits uniformes de quinze pour cent sur toutes les marchandises étrangères, y compris les produits britanniques. Ce droit avait été élevé jusqu'à 17 1/2 p.c. sous le régime libéral qui avait coïncidé principalement avec une période de grande dépression financière. Le nouveau tarif était donc un pas franchement fait vers la protection, et devait être, en peu de temps, justifié par ses effets sur le commerce du pays.
L'année 1880 fut marquée par la mort de l'honorable George Brown, tombé sous les coups d'un assassin, après avoir été pendant bien des années le principal champion des principes de la réforme dans le Haut-Canada; elle fut aussi marquée par le transfert au Canada, par Ordre Impérial en Conseil, de toutes les possessions britanniques de l'Amérique du Nord qui n'avaient pas été cédées spécialement auparavant.
Pendant l'automne de 1878, le Marquis de Lorne, plus tard neuvième Duc d'Argyll, accompagné de S. A. R. la Princesse Louise, vint au Canada comme Gouverneur-Général. Deux sociétés importantes doivent leur origine à son initiative : la « Canadian Academy of Arts » établie en 1880, et la « Société Royale du Canada, » établie en 1881; ces deux sociétés ont manifesté leur influence en donnant une grande impulsion à la vie intellectuelle au Canada.
C'est dans les provinces maritimes que furent établies les premières institutions d'enseignement supérieur. L'Université du Nouveau-Brunswick réclame la palme de l'ancienneté, ayant été fondée en 1800, mais pendant des années, le fonctionnement en fut suspendu, et sa réouverture ne date que de 1859. D'un autre côté le Collège Dalhousie, à Halifax, a été continuellement ouvert depuis 1818. Le Collège McGill fut établi à Montréal en 1811, et l'Université McGill fut incorporée en 1821. Ce fut en 1827 qu'on accorda une charte au King's Collège à Toronto; cette institution devint, en 1843, avec une constitution plus libérale, la « University of King's Collège, » et en 1849, l'Université de Toronto. L'Université Victoria, institution Wesleyenne, fut établie à Cobourg en 1836, et le « Queen's Collège, » établissement Presbytérien, fut créé en 1841. L'Université Laval, à Québec, et le « Trinity Collège, » à Toronto, datent tous deux de 1852. Un quart de siècle après, on trouve à Winnipeg une université bien organisée, sept années seulement après l'entrée dans le Dominion, du territoire de la Rivière-Rouge. Aujourd'hui, des universités sont établies à Saskatoon, Sask., à Edmonton, Alberta, et à Vancouver, C.-B.
Avec l'Acte de l'Amérique Britannique du Nord, l'instruction publique fut remise entre les mains des gouvernements provinciaux, et chaque province maintint, en conséquence, son propre système d'enseignement. Le 22 juin 1910, le gouvernement Fédéral nomma une Commission Royale sur les méthodes d'éducation technique et d'entraînement industriel. Les membres de cette commission visitèrent plusieurs des pays les plus avancés du monde, dans le but d'en étudier les méthodes et les résultats qu'on en avait obtenus, et présentèrent au gouvernement un rapport volumineux et grandement instructif de leurs observations.
On a fait, plus haut, une légère allusion à certains troubles provenant de l'organisation d'un gouvernement pour la province du Manitoba, en 1869-70. Après une période de 15 ans, les mêmes éléments de la population qui avaient résisté au changement politique alors accompli, entrèrent en révolte ouverte, en mars 1885, non pas cependant dans les limites du Manitoba, mais dans le district de Prince-Albert, sur le territoire de Saskatchewan. Des régiments de miliciens furent envoyés des différentes provinces de l'est, sous le commandement du général Sir F. Middleton, sur la scène des troubles, et, dans l'espace de quelques mois, l'ordre fut complètement rétabli, non sans quelques pertes de vies. La même année vit l'achèvement du chemin de fer du Pacifique Canadien, dont le dernier clou fut planté le sept novembre par Sir Donald A. Smith, plus tard Lord Strathcona and Mount Royal, à un point nommé Craigellachie. Le Canada possédait désormais dans les limites de son territoire, une voie ferrée allant d'un océan à l'autre, quoique le premier train de Montréal à Vancouver n'ait pas parcouru la ligne avant le mois de juin suivant.
Il y eut des élections générales en 1882, en 1887 et en 1891, et à chaque fois, le gouvernement fut maintenu au pouvoir. Dans la dernière de ces élections, Sir John Macdonald se lança lui-même dans la lutte, avec son énergie accoutumée, par une saison très rigoureuse de l'année, en février et en mars, mais la tâche était trop considérable pour son âge, et quand le parlement s'ouvrit le 29 avril, sa santé était visiblement affaiblie. Le 6 juin, il mourut à l'âge de 76 ans. De l'aveu de tous, il a beaucoup fait pour orienter la politique du Canada. Ses qualités comme chef et comme homme d'état sont reconnues aussi volontiers par ses adversaires que par ses partisans. Sir John Abbot lui succéda, et n'occupa la position de premier ministre que pendant un an et demi, après quoi sa santé le força de se retirer. Le gouvernement fut alors reformé, en décembre 1892, par Sir John Thompson, qui ayant été en Angleterre dans l'intérêt public, mourut très soudainement au château Windsor, le 12 décembre 1894. Un honneur signalé fut rendu à sa dépouille mortelle qui fut transportée au Canada sur un navire de guerre britannique, le « Blenheim, » dont l'arrivée à Halifax a fait le sujet d'une peinture très impressionnante par un artiste canadien, M. Bell Smith.
Trois premiers ministres conservateurs moururent ensuite, dans un espace de trois ans et demi. Sir Mackenzie Bowell fut alors placé à la tête de l'administration dans laquelle certains éléments de désunion ne tardèrent pas à se manifester. Le 27 avril 1896, Sir Mackenzie remit les rênes du gouvernement à Sir Charles Tupper, qui avait rempli pendant quelques années les fonctions de Haut-Commissaire du Canada à Londres. La question des écoles publiques du Manitoba entra alors dans une période aiguë. Lors de l'établissement de la province, on avait organisé un système d'« écoles séparées » d'après lequel le contrôle des écoles catholiques avait été laissé aux mains de la section catholique d'un Bureau Général des Écoles. L'annulation de cet arrangement, en 1890, fit naître des protestations, et l'on demanda une législation pouvant porter remède au nouvel état de choses, législation qui était prévue par l'Acte de l'Amérique Britannique du Nord, au cas où les droits d'enseignement dont jouissait chacune des parties de la population avant la Confédération, seraient restreints ou troublés par une législation subséquente. Le Conseil Privé, à la juridiction duquel on en avait finalement appelé en cette occasion, décida que cette législation était nécessaire, et le gouvernement Fédéral fut par conséquent obligé de la demander au Parlement. La question fut très discutée avant et pendant l'élection générale de juin 1896, mais il est difficile de savoir jusqu'à quel point ces discussions influencèrent le résultat final. Le gouvernement essuya une défaite décisive le 23 juin 1896.
La mort de Sir John A. Macdonald avait été suivie à moins d'un an d'intervalle, par celle de l'honorable Alexander Mackenzie (17 avril 1892). Cependant, celui-ci n'avait pas été, pendant les cinq dernières années de sa vie, le chef du parti libéral, l'honorable Wilfrid Laurier ayant été élevé à cette position après l'élection générale de 1887, succédant à l'honorable Edward Blake, qui l'avait occupée depuis 1880. Le nouveau gouvernement dont M. Laurier était le chef, fut assermenté le 13 juillet 1896. On espérait, en certains quartiers, et l'on craignait dans d'autres, que la politique de la nouvelle administration ne comprît une réduction sérieuse du tarif établi par ses prédécesseurs; cependant, aucuns changements fiscaux importants ne furent faits. On reconnut que les affaires du pays s'étaient adaptées elles-mêmes à la mesure de protection qui leur était assurée, et que tout changement violent à ce sujet, ne serait pas sage. Une des premières mesures adoptées fut une réduction de 25 pour cent dans les droits de douane exigés sur les articles produits ou fabriqués par le Royaume-Uni, ou par certaines colonies britanniques spéciales, ou toutes autres dont le tarif douanier était aussi favorable au Canada que l'était aux colonies en question le tarif que l'on se proposait de réduire, ou tarif de préférence. Il se présenta un obstacle à la mise en force de cet arrangement, par le fait de l'existence de certains traités commerciaux conclus entre la Grande Bretagne, et l'Allemagne et la Belgique; cette difficulté ayant été écartée par la dénonciation des traités en question, le tarif réduit entre colonies britanniques entra en vigueur le 1er août 1898. Les vins, les liqueurs spiritueuses et le tabac furent exceptés, dans l'application de ce tarif.
La « Préférence Britannique, » comme on l'appelait, fut encore augmentée d'un tiers en 1900. Dans l'intervalle, on avait fait des changements importants et avantageux dans les taux de transport des matières postales. Le taux spécial au Canada, de trois cents par once, fut réduit à deux cents le premier janvier 1899, et le même taux fut établi entre le Canada et la Brande Bretagne, et graduellement étendu à la grande majorité des colonies britanniques. Il faut faire remarquer que sous l'ancien gouvernement libéral, le Canada était entré, le premier août 1878, dans l'Union Postale Universelle, qui établit un taux postal général, sans être universel, de cinq cents par demi-once, entre les différents pays qui en font partie.
Le gouvernement fut maintenu aux élections générales du 7 décembre 1900. Il se réunit le 6 février suivant, et le 8, il adopta une adresse de condoléances au roi Édouard VII, à l'occasion de la mort de la Reine Victoria, le 22 janvier 1901. En septembre de la même année, le Duc et la Duchesse de York, maintenant le roi George V et la reine Marie, visitèrent le Canada, où ils furent reçus avec enthousiasme. La date du couronnement du roi Édouard avait été fixée au 26 juin 1902, mais la maladie soudaine et alarmante de Sa Majesté fit ajourner la cérémonie, qui s'accomplit le 9 août. M. Chamberlain, Secrétaire Colonial, avait suggéré, le mois de janvier précédent, de profiter de la présence à Londres en cette occasion des premiers ministres et probablement de plusieurs autres Ministres des colonies autonomes de l'Empire, pour discuter différentes matières importantes au point de vue impériale, et une conférence qu'il présida s'ouvrit le 30 juin, et siégea jusqu'au 11 août. On adopta à cette Conférence un certain nombre de résolutions importantes, y compris celle qui reconnaissait le principe du commerce de préférence avec l'Empire, et en favorisait l'extension, et une autre recommandant la réduction du tarif postal pour les journaux et périodiques, entre les différentes parties de l'Empire. Cette résolution a été réalisée depuis.
Le développement de la population, du commerce et de l'industrie au Canada pendant les vingt dernières années, a été très remarquable, et s'est surtout manifesté dans les provinces de l'ouest. Les territoires du Nord-Ouest qui étaient d'abord gouvernés de Winnipeg, le Lieutenant-Gouverneur du Manitoba étant aussi Lieutenant-Gouverneur de ces territoires, furent organisés, le 17 mai 1882, en districts provisoires d'Assiniboia, Saskatchewan, d'Alberta et d'Athabaska sous un Lieutenant-Gouverneur spécial, et eurent à Régina le siège de leur gouvernement. La population augmentant toujours, ces districts furent bientôt en état de former des provinces, et, le premier septembre 1905, les quatre territoires formèrent les deux provinces de Saskatchewan et d'Alberta, la première ayant Régina, et la seconde Edmonton comme capitale. Depuis, leur progrès a été encore plus remarquable à cause de la grande population qu'elles ont reçue annuellement des États-Unis et des pays européens. La découverte de l'or dans le Yukon le fit organiser en territoire, le 13 juin 1898, et, comme tel, il envoie un membre au Parlement Fédéral. La découverte de mines d'or et d'argent au Canada conduisit à l'établissement, opéré le 2 janvier 1908 à Ottawa, d'une succursale de la Monnaie Royale, où les monnaies d'or, d'argent et de cuivre sont maintenant frappées pour être mises en circulation au Canada. Une autre division du service public qui a récemment pris beaucoup d'importance, et qui est maintenant organisée à part, est celle des Archives Fédérales, où l'on peut consulter et étudier chaque jour une masse toujours croissante de documents, manuscrits et imprimés.
Deux arbitrages très importants dans lesquels le Canada était très intéressé ont eu lieu il y a peu de temps, entre la Grande Bretagne et les États-Unis : le premier au sujet des droits des sujets britanniques à la pêche du phoque dans la mer de Behring, et le second au sujet des frontières s'étendant entre le Canada et l'Alaska acheté de la Russie en 1867 par les États-Unis. Dans le premier cas, les réclamations présentées par la Grande Bretagne, surtout au nom du Canada, furent entièrement accordées en septembre 1893; dans le second, la décision rendue en octobre 1903, causa quelque désappointement au Canada, quoiqu'elle n'affectât pas à un degré sérieux les intérêts canadiens.
L'année 1908 fut la dernière de trois siècles de l'histoire canadienne, si l'on fait commencer celle-ci à la fondation de Québec par Champlain, en 1608. À l'approche de cette date, on discuta divers projets pour célébrer dignement ce troisième centenaire. Les trois siècles en question étaient divisés en deux parties presque égales par la prise de Québec, en 1759. Il parut donc avantageux de prendre des mesures non seulement pour la célébration du 3e centenaire, mais encore pour établir quelque monument durable de la naissance d'un nouveau Canada produite par le choc de deux puissantes armées, sur les plaines d'Abraham. La situation pittoresque de Québec fournissait une scène incomparable à un spectacle aux effets dramatiques; et on y fit un certain nombre de représentations historiques appropriées qui furent exécutées avec un immense succès dans la semaine du 24 juillet, devant une multitude énorme de spectateurs venus de tous les bouts du Canada et de bien au delà de ses frontières. L'éclat de la célébration était rehaussé par la présence du Prince de Galles, maintenant S. M. le roi George V, dont l'arrivée sur le navire de guerre « Indomitable » avait été précédée par celle d'une escadre de quatre autres navires de guerre et de deux croiseurs protégés. À ceux-ci s'ajoutaient encore un navire de guerre français et deux des États-Unis, en visite officielle à cette occasion. Un des faits les plus intéressants de la solennité fut une revue militaire à laquelle prirent part 12,000 soldats canadiens et 3,000 marins des navires de guerre. Le Feld-Maréchal Lord Roberts, qui était présent, envoya au Roi un câblogramme où il manifestait sa grande satisfaction de la précision, de l'ordre et de l'organisation avec lesquels se firent les manœuvres. Dans leur ensemble, les journées qui virent cette célébration mémorable et impressionnante, feront époque dans la vie nationale du Canada.
Le mouvement qui se produisit alors, en vue de perpétuer les souvenirs de 1759-60, donna naissance à un projet d'acheter l'ancien champ de bataille et de le convertir en un parc national, qui pourrait être complété par un musée historique et militaire. Le gouvernement Fédéral et quelques gouvernements provinciaux, ainsi que plusieurs sociétés et personnages importants, accordèrent une aide financière libérale à ce projet, qui est maintenant en cours de réalisation (voir aussi Annuaire du Canada, 1908; pages XXVI à XXX.) Le 6 mai 1908, on avait célébré à Québec, comme prélude aux fêtes de juillet, le 200ème anniversaire de l'illustre et justement vénéré Mgr. de Laval, premier évêque de Québec. L'enthousiasme que provoqua cette fête fut énorme, et l'on s'en souviendra longtemps comme d'un événement d'un grand intérêt et d'une haute signification.
En 1898, les difficultés qui s'étaient élevées entre le gouvernement britannique et le Transvaal au sujet de l'incapacité légale dont étaient frappés les sujets britanniques travaillant dans ce pays, conduisirent à une déclaration de guerre par la République. La sympathie envers la Mère Patrie, dans un conflit où elle n'était entrée qu'avec la plus grande répugnance, et où elle devait combattre dans un pays très éloigné, et dans des conditions très désavantageuses pour les forces britanniques, devint si forte au Canada, de même qu'en Nouvelle-Zélande et en Australie, que le gouvernement se sentit obligé de prendre part à la lutte, en envoyant des troupes canadiennes sur le champ des opérations. Un premier contingent du « Royal Canadian Régiment » quitta Québec le 30 octobre 1899, sur le « Sardinian. » D'autres suivirent, partant d'Halifax les 21, 27 janvier et 21 février 1900. Au total, 1,150 officiers et soldats partirent ainsi pour le sud de l'Afrique. A eux se joignirent un détachement de 398 carabiniers à cheval, un autre de 375 soldats des « Royal Canadian Dragoons, » et un corps d'artillerie de 539 officiers et soldats. De plus, Lord Strathcona envoya à ses frais une troupe spéciale de cavaliers comptant 597 officiers et soldats. En tout, on expédia dans le sud de l'Afrique, en 1899-1900, 3,092 officiers et soldats.
Les troupes canadiennes ne manquèrent pas de se distinguer par leur bravoure à la guerre, en particulier, le 27 février 1900, à la bataille de Paardeberg, dans laquelle le Général Boer Cronje fut forcé de se rendre. En 1901, on leva encore au Canada, aux frais du Gouvernement Impérial, 900 carabiniers ainsi que 1,200 hommes qui devaient faire partie du service des constables du Sud Africain.
Ce qu'on vient de lire donne un croquis rapidement esquissé jusqu'à ce jour, des principaux événements de l'histoire du Canada, qui ne sont pas encore ordinairement sujets à controverse. Pour ce qui est des détails regardant des événements récents particuliers, on peut renvoyer le lecteur aux notes contenues dans les éditions de l'Annuaire, publiées depuis 1905. On trouvera également dans ces volumes, des statistiques sur le progrès économique extraordinaire du Canada, au début du XXème siècle. La construction de chemins de fer nouveaux, le flot toujours croissant de l'immigration venant du Royaume-Uni, des États-Unis, et des divers pays du continent européen, et l'immense progrès, sous toutes les formes de production de ce pays, agriculture, forêts, pêcheries, mines et manufactures, ont contribué à l'envi, depuis une période relativement courte, à donner au Dominion du Canada une position réellement influente sur les marchés du monde, et à prouver que le peuple canadien développe avec une énergie et une constance couronnées de succès les magnifiques ressources de son pays.