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Histoire de la Grande Guerre, 1914 à 1918 (1918)

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Opérations sur le front occidental, 1918

La signature d'un armistice avec la république russe des Soviets, survenue le 15 décembre 1918, permit à l'Allemagne de transporter sur le front occidental près d'un million d'hommes et une artillerie proportionnée; l'armée allemande, qui n'avait que cent cinquante divisions sur ce front en novembre 1917, en possédait cent quatre-vingt-seize en mars 1918. Sa prépondérance numérique devenait considérable et la rendait d'autant plus dangereuse qu'elle possédait l'avantage énorme d'un commandement unique et d'une force homogène, agissant sur des lignes intérieures et, par conséquent, plus courtes. Le mécontentement du peuple allemand et les souffrances qu'il endurait, faute d'une nourriture suffisante, rendaient de plus en plus improbable la victoire de l'Allemagne; cependant les autorités allemandes décidèrent de faire un effort désespéré, comptant arriver à leurs fins, par une offensive plus puissante qu'aucune de celles qui avaient été tentées jusqu'alors. Dans le plus grand secret, les préparatifs de cette offensive furent conduits pendant de nombreuses semaines par la concentration de troupes dans des positions de réserve, par l'accumulation de munitions et par l'entraînement spécial de « troupes d'assaut » selon la nouvelle méthode d'attaque, par relais, qui venait d'être récemment inaugurée avec un grand succès, sur le front oriental, par le général von Hutier. Le nombre des troupes américaines arrivées en France s'accroissant rapidement et leur transport devant s'accélérer au retour du printemps, les opérations allemandes devaient donc se déclancher aussitôt que les conditions atmosphériques le permettraient. Le point de jonction des armées françaises et britanniques fut naturellement choisi pour la principale attaque, avec l'intention de s'interposer entre elles et de rejeter les armées britanniques dans la contrée située au nord de la Somme, où leurs mouvements auraient été considérablement gênés par le manque de terrain pour manœuvrer. Quarante divisions furent amenées sur le front, par des marches de nuit, avec le plus grand secret; durant le jour, elles étaient dissimulées autant que possible. Frécédée par un bombardement bref mais très meurtrier et favorisée par un temps couvert et brumeux, cette attaque commença sur un front de cinquante milles, s'étendant d'Arras à La Fère. Leurs chefs avaient dit aux soldats allemands que cette bataille serait la dernière et qu'une victoire décisive amènerait certainement la paix. Surgissant en masses denses du brouillard qui les avait masquées au moment où elles quittaient leurs positions de départ, ces troupes se précipitèrent sur les tranchées anglaises avec une furie irrésistible. Elles étaient précédées par un feu de barrage roulant, qui s'allongeait de dix en dix minutes et dans lequel les obus à gaz asphyxiants étaient mélangés aux obus à mitraille. Les unités qui occupaient les positions avancées furent presque annihilées et les quelques survivants ne purent opposer qu'une faible résistance à leurs assaillants. L'infanterie allemande était accompagnée d'artillerie légère, de mortiers de tranchée transportables, d'un grand nombre de mitrailleuses et de quelques chars d'assauts, d'un modèle volumineux. Les deux lignes de défense, préparées avec beaucoup de soin et supposées imprenables, furent bientôt crevées en quatre endroits. Les deux faces du saillant de Cambrai furent pénétrées. La totalité de la cinquième armée britannique fut obligée de reculer, combattant désespérément sur toutes les positions où la résistance semblait possible. Tout d'abord, la poursuite fut effectuée avec une furieuse énergie, de nombreuses batteries de soutien étant prises ou mises hors d'action. Le lendemain, les troupes en retraite perdirent contact avec les Français à leur droite et avec la troisième armée à leur gauche. Elles avaient été ralliées sur une seconde position à plusieurs milles en arrière, mais cette position fut emportée et une nouvelle retraite commença dans le plus grand désordre. Sous la violence du choc, la troisième armée avait perdu un peu de terrain sur sa droite; elle fut donc obligée de reculer encore plus loin dans l'espoir de maintenir le contact avec la cinquième armée, dont le recul précipité ouvrait une brèche de huit milles. Cette trouée fut hâtivement comblée par des moyens de fortune, des soldats du génie, de l'intendance et d'autres corps non combattants venant se mettre en ligne à ce moment critique. Péronne fut évacué le 23 mars et Bapaume le lendemain. Les Français furent chassés de Roye le 27 mars et plus tard évacuèrent Noyon, tout en continuant à étendre leurs lignes vers la gauche, tendant vainement la main à la cinquième armée britannique. Le 27, le général von Hutier recueillit le fruit de sa victoire en franchissant plus de dix milles et s'établit à Montdidier, important nœud de voies ferrées. L'impétuosité de sa poussée s'affaiblissait graduellement et il fut impuissant à s'avancer plus loin. Vers le nord, les Allemands regagnèrent les positions abandonnées par eux en 1916, et occupèrent Albert le 27 mars. Ils étaient alors à quatorze milles d'Amiens, qui devint le principal objet de leurs convoitises. Ce grand désastre convainquit les Alliés de la nécessité de l'unité de commandement; pour le moment, les controverses cessèrent et les rivalités s'apaisèrent. Le 31 mars on apprenait que le Conseil de Guerre des Alliés avait confié le commandement suprême au général Foch.

Les Allemands avaient résolu le problème de rompre un front solidement retranché, mais cet exploit leur avait coûté des pertes énormes; d'autre part, leur ruée avait perdu son élan et ils étaient obligés de réorganiser leurs troupes et de les préparer à une nouvelle offensive. Cette préparation dura une semaine. Le 23 mars, Paris avait été bombardé par des pièces d'artillerie d'une puissance jusqu'alors inconnue, car elles portaient à plus de soixante-dix milles. Les dommages matériels subis ne furent pas importants d'abord, mais le 29 mars, jour du Vendredi Saint, une église fut atteinte et une partie de sa toiture s'effondra, ensevelissant un grand nombre de fidèles.

Le 5 avril, les Allemands traversèrent l'Oise et malgré de très lourdes pertes gagnèrent beaucoup de terrain. Les Français se retirèrent derrière l'Ailette. Le 8 avril, les Allemands forcèrent le passage de cette rivière et s'avancèrent encore plus loin. Leur attaque principale fut alors soudainement transportée dans les Flandres, où la première armée britannique occupait le secteur s'étendant entre Arras et Ypres. Après une préparation d'artillerie assez brève mais destructrice, ils donnèrent l'assaut sur un front de vingt milles, entre Givenchy et Ypres, avec Hazebrouck comme objectif. Une division portugaise qui occupait la première ligne fut presque anéantie; sa disparition ouvrit une brèche d'une largeur de près de dix milles. La position des troupes britanniques ayant été tournée sur ses deux flancs fut abandonnée pendant la nuit du 10 au 11 avril. Les retranchements voisins furent perdus et repris plusieurs fois, mais la ligne qu'occupaient les troupes britanniques entre Béthune et Arras fut cependant conservée. Les Allemands continuèrent à s'avancer le long de la Lys; ils atteignirent la voie ferrée et s'approchèrent à moins de cinq milles d'Hazebrouck. La situation était devenue tellement critique que, le 12 avril, le maréchal Haig publia un ordre du jour, demandant à ses troupes de « mourir sur leurs positions et de combattre avec leur dos au mur ». Les Allemands renouvelèrent leurs assauts avec furie. Bailleul et Wytschaete furent enlevés la 16 avril en même temps que la totalité de la ligne des hauteurs contiguë, prise par les Anglais l'année précédente. Pendant deux jours, la bataille se continua d'une manière indécise, les mêmes positions changeant plusieurs fois d'occupants. Des renforts de troupes françaises et britanniques arrivèrent et quelques bataillons américains furent embrigadés avec les unités britanniques. Ce jour-là, une violente attaque fut repoussée et les opérations furent suspendues pendant une semaine. Le 25 avril, ayant été renforcés par des régiments alpins et des troupes de choc spécialement entraînées, les Allemands commencèrent une autre attaque, après un très violent bombardement, sur un front de sept milles, dans le voisinage du mont Kemmel. À cet endroit un secteur de cinq milles de tranchées de première ligne était occupé par des soldats français, vieux troupiers, contre qui toute la violence de l'assaut fut dirigée. Après une défense opiniâtre, le mont Kemmel et les villages voisins furent pris, ce qui nécessita un recul considérable de la ligne au sud d'Ypres. Toutefois, toutes les tentatives de poursuite furent arrêtées avec de grandes pertes. Des attaques subséquentes sur la nouvelle position des troupes britanniques furent repoussées et les troupes allemandes qui occupaient le mont Kemmel furent soumises à un feu d'artillerie continuel et terrible. L'avance allemande dans les Flandres était alors complètement arrêtée. Le 23 avril une autre offensive dans la direction d'Amiens obtint quelques succès, mais, en maints endroits, les assaillants furent repoussés ou obligés, par des contre-attaques, à évacuer les positions conquises.

Constatant que tous leurs efforts en vue d'atteindre les ports de la Manche avaient échoué et qu'une grande quantité de troupes avaient été rassemblées pour leur résister, les Allemands décidèrent alors de porter un grand coup sur le front français, dans la direction de Paris. Vingt divisions fraîches, de vieilles troupes, furent amenées par des marches de nuit et en grand secret aux positions de départ. L'attaque se livra le long de l'Aisne, sur un front de trente-cinq milles, en face de Soissons et de Reims. Un bombardement d'artillerie d'une violence inouïe commença à une heure du matin, le 27 mai, et déjà deux heures et demie. Précédées par le barrage ordinaire d'obus à gaz et à mitraille, les troupes de choc allemandes, accompagnées de nombreux chars d'assauts, balayèrent la première ligne de tranchées. Elles obtinrent leurs plus grands succès sur une partie de la ligne à l'ouest de Craonne, où les défenseurs furent contraints de traverser l'Aisne, puis la Vesle, et presque annihilés. Quatre divisions britanniques, rudement éprouvées par les combats qu'elles avaient soutenus ailleurs, et envoyées dans ce secteur pour s'y remettre de leurs fatigues, furent obligées de battre en retraite dans la direction de Reims. Les Allemands continuèrent à s'avancer, contraignant les Français à traverser la Marne; sur la rive gauche de cette rivière, ceux-ci organisèrent une nouvelle position, qu'ils défendirent avec opiniâtreté. Dans le voisinage de Soissons et de Reims, les attaques des Allemands n'avaient eu que peu de succès. En moins d'une semaine, cette offensive s'était amollie, puis arrêtée. Elle avait cependant eu des conséquences encore plus graves que les précédentes, car elle avait créée une large « poche » dans le front français, s'étendant de l'Aisne à la Marne, et rapproché l'ennemi de Paris. La situation était devenue véritablement grave pour les Alliés.

Instruits par leurs coûteuses expériences, en essayant de résister à ces chocs formidables sur leur première ligne et en amenant des troupes de soutien à travers un feu de barrage qui les décimait, les chefs militaires alliés décidèrent d'adopter une méthode de « défense élastique » qui avait été déjà pratiquée avec succès par l'ennemi en différentes occasions. Des instructions furent en conséquence transmises aux commandants des armées, leur recommandant de ne plus conserver à tout prix leurs positions de première ligne comme précédemment, mais de se retirer sur une principale ligne de résistance, à une distance considérable vers l'arrière, méthode qui devait soustraire leurs troupes aux grandes pertes qu'elles subissaient par les effets des obus à gaz et des tirs de barrage. C'était en quelque sorte un retour à l'ancienne doctrine, qui faisait de la ligne de soutien la ligne de résistance. Le 9 juin, les Allemands déclanchèrent une autre attaque sur un front de vingt milles, entre Noyon et Montdidier, se précipitant en grande force sur les deux rives de l'Oise, dans la direction de Compiègne. Ils pénétrèrent dans la position française jusqu'à une profondeur de trois milles et augmentèrent leurs gains le lendemain. Les Français se retirèrent graduellement sur leur principale ligne de résistance parmi les collines, au sud de la rivière Matz. L'intention évidente des Allemands, à ce moment, était de souder ensemble les deux saillants qu'ils avaient précédemment créés et de constituer ainsi une nouvelle base d'opérations, de laquelle ils auraient pu bombarder efficacement Paris et rendre cette grande cité inhabitable. Mais ils ne réussirent pas à vaincre la valeureuse résistance de leurs adversaires, quoiqu'ils employèrent quarante divisions à cette opération, lesquelles souffrirent des pertes énormes. Le 18 juin, une autre offensive fut déclanchée dans le voisinage de Reims, mais elle échoua avec de grandes pertes. À ce moment les opérations cessèrent momentanément; durant la période de suspension des hostilités un grand nombre de troupes américaines et britanniques arrivèrent en France et de grands préparatifs furent faits en vue d'une puissante contre-offensive.

Le cinquième et dernier grand effort des Allemands fut précédé d'une importante préparation d'artillerie qui commença à minuit, dans la nuit du 14 au 15 juillet, sur un front d'environ soixante milles, depuis Château-Thierry jusqu'à la lisière occidentale de la forêt de l'Argonne. Leur feu fut inefficace, leurs projectiles tombant sur des positions que les Français venaient d'abandonner et lorsque, à l'aube, leur infanterie fut lancée en avant, elle ne rencontra qu'un mince rideau de troupes qui se retirèrent rapidement devant elle. Les Allemands s'engagèrent à leur poursuite, mais ils furent accablés par le feu des batteries placées à l'arrière de la principale ligne de défense. En se servant de canots en toile, ils réussirent à traverser la Marne à différents endroits et construisirent ensuite des pontons. Leurs progrès furent définitivement arrêtés le 16 juillet et, deux jours plus tard, une vigoureuse contre-attaque se produisit contre le flanc droit du saillant allemand sur la Marne. L'un des préparatifs secrets accomplis en vue de cette contre-offensive fut la construction d'un très grand nombre de chars d'assaut légers, du modèle Renault, armés de petits canons, qui accompagnaient l'infanterie dans sa marche. Il pleuvait abondamment le matin du 18 juillet lorsque commença la contre-offensive des Français, dans la région comprise entre Villers-Cotterêts et Soissons. Cet honneur échut à l'armée du général Mangin, dont les troupes avaient été soigneusement dissimulées dans les vallées boisées et abritées derrière les collines. Il n'y eut pas de bombardement préliminaire; l'infanterie s'avança au lever du jour, précédée par un tir de barrage, se dirigeant au moyen de cartes, et accompagnée par huit cents « chars moustiques », légers et rapides. La première ligne allemande fut enlevée par surprise. Sur la gauche, les Français s'avancèrent jusqu'aux collines dominant Soissons et, sur quelques points, la cavalerie française pénétra dans la trouée ainsi ouverte et prit part à la poursuite. Lorsque la nuit tomba, le communiqué français annonçait la prise de vingt mille prisonniers et trois cent soixante canons. Trois divisions britanniques, accompagnées de leurs propres chars d'assaut, prirent part à cette attaque, près de Reims. Plusieurs divisions des troupes des États-Unis combattirent également dans les environs de Château-Thierry, avec une belle vigueur. La pression exercée par les troupes alliées se continua d'une manière encourageante, les Allemands reculant partout et étant contraints de retraverser la Marne; une partie de leurs troupes reculèrent jusqu'à l'Aisne. Cette victoire eut pour effet de raccourcir matériellement le front des armées alliées et de supprimer la menace contre Paris. De grandes quantités de troupes concentrées en vue d'une offensive, projetée par le Prince Ruprecht de Bavière contre le front anglais, furent rappelées pour résister à cette attaque et l'opération projetée fut conséquemment abandonnée.

Le 23 juillet, les chefs des armées alliées eurent une conférence où ils discutèrent les moyens à prendre pour recueillir le bénéfice de cette offensive. Les commandants des armées britanniques, françaises et américaines furent invités à préparer des plans d'offensives locales à déclancher sans délai, avec des objectifs bien définis, mais limités. Le premier grand objectif proposé du côté du front britannique fut la libération du chemin de fer d'Amiens à Paris, cette voie ferrée ayant été rendue impraticable depuis plusieurs semaines par le feu de l'ennemi.

La Guerre dans les aires

Les forces britanniques avaient été grandement diminuées par les pertes qu'elles avaient subies durant les deux grandes offensives dirigées contre elles en mars et en avril. Huit divisions avaient été réduites à l'état de squelette et ne pouvaient plus être considérées comme formations combattantes. Deux autres, quoique maintenues en ligne, étaient considérablement affaiblies. D'autre part, elles avaient subi des pertes immenses en artillerie et magasins militaires, notamment deux cents chars d'assaut, du matériel de chemin de fer, des locomotives, des wagons et des camions automobiles. Toutefois, deux mois d'une tranquillité relative avaient permis d'effectuer de grandes améliorations. Les vides creusés dans les rangs furent remplis et au delà par des renforts envoyés d'Angleterre et des autres fronts. Le nombre des divisions d'infanterie avait été porté de quarante-cinq à cinquante-deux et les troupes britanniques employées en France comptaient alors dans leurs rangs 1,700,000 hommes. De même, toutes les pertes de matériel avaient été réparées. L'artillerie était plus forte qu'elle ne l'avait jamais été; un stock de trente-sept millions d'obus avait été accumulé pour son usage. De nouvelles lignes de chemin de fer avaient été construites et des voies additionnelles ajoutées en mains endroits aux anciennes lignes, le tout formant une longueur totale de deux cents milles. De nouvelles lignes défensives remarquablement fortes et ingénieusement conçues avaient été construites ; elles comprenaient cinq mille milles de tranchées. Dès la fin de juillet, les forces britanniques servant en France étaient entièrement réorganisées et prêtes à entreprendre la grande tâche qui allait leur être imposée. Plus d'un million d'hommes étaient alors à l'entraînement en Angleterre, formant des réserves pour remplacer les pertes. Dans les airs, une suprématie incontestable avait été acquise. Afin que cette attaque put se faire avec des forces suffisantes, il fut décidé de transporter le corps canadien du secteur occupé par la première armée britannique à celui que tenait la quatrième armée. Dans le but de tromper l'ennemi, deux bataillons furent placés en ligne dans le secteur du mont Kemmel et l'on envoya, par télégraphie sans fil, des messages destinés à être interceptés, qui indiquaient la présence des Canadiens dans cette partie du front. On répandit partout le bruit que ce corps allait être envoyé dans la direction d'Ypres, où la seconde armée s'attendait à être attaquée. De nombreux chars d'assaut furent promenés ostensiblement près de St-Pol. Le déplacement commença le 30 juillet et ce ne fut que dans la nuit du 7 au 8 août que le corps entier se trouva rassemblé dans ses positions de bataille. Cette concentration se faisait au sud-ouest d'Amiens, à une distance de quarante milles du front. Toutes les précautions possibles avaient été prises pour effectuer ces mouvements dans le plus grand secret. Les troupes furent transportées par chemins de fer, par autobus et par la route; on attendait la nuit pour les faire monter dans les trains ou en descendre. La contrée choisie pour la concentration était épaissement boisée et dissimulait parfaitement la présence des troupes. L'infanterie fut transportée au point de concentration pendant la nuit, dans des camions automobiles et des autobus. Dans cette région les bois, les villages et les chemins creux offraient une protection précieuse contre les observations aériennes. Dans le vaste bois de Gentelles, on dissimula un grand nombre de chars d'assauts. D'autre part, la température brumeuse et nuageuse aidait puissamment à cacher le mouvement de ces troupes qui restait inconnu de l'ennemi.

Le front d'attaque s'étendait sur vingt mille verges. La première armée française, placée sous les ordres du maréchal Haig, devait attaquer sur la droite, le corps canadien au centre, le corps australien à sa gauche et le troisième corps britannique à l'extrême gauche. On se proposait de pousser rapidement dans la direction de la voie ferrée reliant Roye à Chaumes. Un grand nombre d'officiers des corps australiens et canadiens avaient été envoyés à l'école d'entraînement pour y observer les démonstrations de la coopération entre les chars d'assaut et l'infanterie, afin qu'ils puissent se familiariser avec les tactiques combinées de ces armes. Dans la matinée du 8 août, après une brève canonnade, quatre cent quinze chars d'assaut, grands et petits, s'avancèrent suivis par une forte colonne d'infanterie; selon la nature du terrain, chaque division disposait de vingt-quatre à trente-six chars d'assaut. Ce mouvement fut favorisé par un épais brouillard, qui dérobait les assaillants à la vue des Allemands, jusqu'à ce qu'ils fussent près de leurs positions. Le terrain était accidenté et parsemé de villages nombreux et compacts, entourés de jardins et de vergers; çà et là s'élevaient de petits bois et des bosquets. Les défenses allemandes consistaient principalement en tranchées reliées entre elles par des passages souterrains et défendues par de nombreuses mitrailleuses. Leurs défenseurs furent surpris et, tout d'abord, l'avance fut extrêmement rapide. Les positions allemandes furent pénétrées jusqu'à une profondeur de plus de huit milles et de nombreux villages furent pris. Dans un rapport officiel, la défaite de la deuxième armée allemande fut attribuée à ce que « les troupes furent surprises par l'attaque en masse des chars d'assaut et perdirent la tête lorsque ces chars apparurent soudainement derrière elles, étant passés inaperçus sous la protection du brouillard naturel et de la fumée artificielle ». L'attaque fut reprise le 9 au matin et de nouveaux et rapides progrès furent effectués tout le long du front, atteignant dans quelques endroits une profondeur supérieure à six milles. Au cours de la journée, la résistance se raffermit sensiblement et les Allemands amenèrent des troupes fraîches, appuyées par quelques chars d'assaut énormes. Les opérations de la première armée française avaient été restreintes à une démonstration en force le 8, suivie le lendemain matin d'un bombardement d'artillerie, qui cessa vers midi. Les Allemands s'y trompèrent et se relâchèrent de leur vigilance dans le cours de l'après-midi. À cinq heures, lorsqu'ils étaient occupés à préparer leur repas du soir, les Français commencèrent leur principale attaque d'infanterie, se portant rapidement sur la ligne de retraite des Allemands vers l'est, et réussissant à entourer la ville de Montdidier, qu'ils prirent le 10, vers midi. Les réserves allemandes avaient été envoyées à Chaumes afin de protéger cette ville contre l'attaque des Anglais. Les 11 et 12, les Français repoussèrent plusieurs contre-attaques et continuèrent à progresser sur tout leur front, depuis Montdidier jusqu'à l'Oise. Ils traversèrent le Matz et reprirent plusieurs villages sur la rive opposée. D'autre terrain fut gagné au sud et à l'est. Ce succès conduisit les troupes alliées dans les anciennes tranchées qu'elles occupaient en 1916. De fortes réserves allemandes, soutenues par de nombreuses batteries d'artillerie, firent sentir leur pression et l'offensive fut momentanément suspendue. Treize divisions d'infanterie et trois divisions de cavalerie de l'armée britannique avaient été engagées; en quatre jours elles s'étaient emparées de 21,850 prisonniers et de quatre cents canons. Les prisonniers appartenaient à vingt divisions allemandes différentes.

Le 18 août, l'une des armées françaises, commandée par le général Mangin, commença un mouvement en avant à l'est de l'Oise. Attaquant sur un front de neuf milles avec un grand nombre de chars d'assaut légers, qui lui permirent de détruire les emplacements de mitrailleuses, elle fit de rapides progrès. Avançant de nouveau le 20 août sur un plus large front, elle prit dix mille prisonniers et s'établit sur la ligne de l'Ailette le 22 août.

Les troupes britanniques dirigèrent ensuite leurs opérations vers le nord. Le corps canadien et le deuxième corps américain furent envoyés dans cette direction, de nuit, par trains et auto camions. Le 22 août, la troisième armée sous sir Julian Byng, renforcée par ces deux corps, attaqua dans la direction de Bapaume et atteignit la voie ferrée Arras Albert. L'attaque fut alors dirigée au sud d'Albert; cette ville fut prise et les assaillants traversèrent l'Ancre. Les réserves allemandes accourues pour résister à cette attaque furent battues. Montauban fut pris le 26 et le lendemain la division de la Nouvelle-Zélande entrait à Bapaume. Le 23 août une autre avance fut réalisée le long de la Searpe, au delà d'Arras, en dépit d'une résistance obstinée. La ville de Bray fut prise par d'autres troupes britanniques le 24 août. Le 26 août, le corps canadien agissant de concert avec le dix-septième corps britannique, enleva les positions allemandes de Monchy-le-Preux, Wancourt et Roeux; les réserves allemandes amenées le lendemain furent repoussées et un nouveau gain de terrain fut réalisé. Au sud, les Australiens par un mouvement rapide; prirent d'assaut Péronne le 31 après un combat corps à corps dans les rues de la ville, faisant de nombreux prisonniers. Par ces opérations, le flanc des positions allemandes sur la Somme était tourné; aussi l'ennemi dut-il se retirer sur la rive est de cette rivière. Les Alliés avaient engagé vingt-trois divisions qui, durant les dix derniers jours d'août, prirent 34,250 prisonniers et 270 canons; ils avaient vaincu trente-cinq divisions allemandes.

Les troupes françaises qui avaient été rendues disponibles par le raccourcissement de leur front, après le succès de leurs récentes opérations, se portèrent vers le nord et occupèrent l'un des secteurs du front britannique. Le 25 août elles attaquaient avec succès. Le 27 août, elles prirent Roye puis, le lendemain, Chaumes. Les Allemands évacuèrent Noyon le 29 août, les Français étant à leurs trousses. Le 4 septembre, Mangin commença une nouvelle offensive qui lui permit de traverser l'Aisne près de Vailly, obligeant les Allemands à un nouveau repli dans cette région. Ils se retirèrent sur leurs anciennes positions défensives en avant de Douai, Cambrai, St Quentin et Laon. La première armée britannique, attaquant à l'est d'Arras et rencontrant une résistance acharnée, progressait lentement. L'expérience acquise dans les opérations près d'Amiens démontrait que les chars d'assaut devaient suivre l'infanterie au lieu de la précéder. Le matin du 2 septembre une attaque fut déclanchée par le corps canadien et le dix-septième corps britannique contre le système de défenses de Drocourt-Quéant. Précédée par un barrage efficace et suivie par un grand nombre de chars d'assaut, l'infanterie s'avança des deux côtés de la route nationale d'Arras à Cambrai et enleva les retranchements allemands sur un front de huit milles, nonobstant la résistance opiniâtre de dix divisions allemandes, occupant une position très fortement préparée. Cet exploit fut l'un des plus remarquables de la guerre. Il rapporta 10,000 prisonniers et un gain de territoire de cinq milles. Le lendemain, l'avance se continua et le 4 septembre les troupes britanniques campaient à moins de sept milles de Cambrai. Les Allemands, forcés de reculer, s'établirent sur les défenses extérieures de la ligne Hindenbourg, évacuant le saillant de la Lys. Lens, Bailleul et le mont Kemmel furent abandonnés par eux et la ville d'Hazebrouck se trouva libérée de leur menace. Sept divisions britanniques avaient été engagées dans cette opération; entre le 26 août et le 3 septembre elles prirent 8,850 prisonniers appartenant à treize divisions allemandes et 200 canons.

Dans la nuit du 8 septembre les Allemands s'étaient retirés sur la ligne Vermand-Epehy-Havrincourt, se continuant vers le nord le long de la rive est du canal du Nord. À partir d'Havrincourt en se dirigeant vers le sud, leur principale ligne de résistance était le système de défenses connu sous le nom de ligne Hindenbourg, laquelle partait du sud-est du canal de l'Escaut, à Bantouzelle, et suivait ensuite la berge de ce canal jusqu'à St-Quentin. En avant de cette ligne principale, de forts détachements occupaient des positions avancées bien choisies vers Havrincourt et Epehy, qu'il fallait nécessairement enlever préalablement à toute attaque contre la ligne Hindenbourg. Le 12 septembre, deux corps de la troisième armée britannique, formés de trois divisions de l'armée anglaise et des troupes de la Nouvelle-Zélande attaquèrent Havrincourt, sur un front de cinq milles; ces positions furent enlevées. Le 17 septembre, le neuvième corps anglais et le corps australien s'emparèrent du village de Holnon et d'un bois voisin. Le lendemain, dès le matin, les troisième et quatrième armées attaquèrent sous une pluie battante, sur un front de dix-sept milles, s'étendant de Holnon à Gouzeaucourt; quelques chars d'assaut participaient à l'attaque. La première armée française et deux divisions américaines coopéraient à cet engagement au sud de Holnon. Les troupes britanniques s'avancèrent sur une profondeur de trois milles, c'est-à-dire jusqu'à une ceinture de défenses très fortes, constituées par les tranchées anglaises et allemandes de 1917. À ce point, elles rencontrèrent une résistance opiniâtre et subirent de lourdes pertes. Quatorze divisions britanniques avaient été engagées; elles prirent 11,750 prisonniers appartenant à quinze divisions allemandes différentes, plus 100 canons. Toutes les positions nécessaires pour le départ d'une attaque sur la principale ligne Hindenbourg étaient alors occupées. L'armée française avait également avancé sur sa droite et avait atteint l'Oise le 20 septembre, près de Vendeuil. Le fort de ce nom fut pris le 22 septembre.

La première armée américaine avait été organisée vers la fin d'août; elle se composait des divisions qui avaient servi jusqu'ici avec les autres armées alliées. Le général Pershing, qui la commandait, occupa un secteur du front s'étendant de Port sur Seille à Verdun, où il entreprit des opérations indépendantes. Après une préparation d'artillerie bien nourrie et qui dura quatre heures, les sept divisions de tête, aidées à leur gauche par des troupes françaises, s'élancèrent le 12 septembre à l'aube contre les positions allemandes défendant le saillant de St-Mihiel; elles étaient précédées par nombre de chars d'assaut dont les équipages étaient pourvus d'appareils spéciaux pour couper les fils de fer et démolir les autres obstructions. Ce mouvement s'étendait sur un front de dix milles; vers midi, plusieurs des positions avancées étaient prises. Cette avance se continua pendant l'après-midi et, le lendemain matin au commencement du jour, la retraite d'un corps considérable d'Allemands fut interceptée. Par de violentes contre-attaques une partie de ces troupes parvinrent à s'échapper, mais 16,000 prisonniers et 443 canons restèrent aux mains des vainqueurs. Ceux-ci occupaient tout le territoire nécessaire au départ de l'offensive projetée sur la basse Meuse.

Cette série d'opérations est un exemple frappant d'efforts bien coordonnés. Les succès remportés étaient le fruit de l'urité du commandement et d'un service de transports et de ravitaillèrent superbement organisé. Une immense armée de troupes du guérie, de forestiers, d'artificiers et d'ouvriers de tous les métiers était constamment employée sur les lignes de communication, derrière les troupes combattantes. Plusieurs centaines de milliers de travailleurs, journaliers et manœuvres, avaient été recrutés soit en Chine, soit dans les possessions asiatiques et africaines de la Grande-Bretagne et de la France. Les pertes subies par les troupes combattante avaient été lourdes, mais les vides furent promptement remplis au moyen des réserves considérables qui arrivaient constamment en France, tant des États-Unis que de l'Angleterre. Les Français avaient, de plus, organisé et amené chez eux des soldats de race noire, recrutés dans leurs colonies d'Afrique et d'Asie, dont le nombre atteignait presque un million d'hommes.

Après un minutieux examen de la situation, les chefs des armées alliées décidèrent ensuite d'entreprendre quatre offensives convergentes et simultanées. Les Américains devaient attaquer à l'ouest de la Meuse, en direction de Mézières; les Français à l'ouest de l'Argonne, en étroite coopération avec l'attaque des Américains et ayant le même objectif; l'armée britannique, sur le front de St-Quentin à Cambrai, en direction générale de Maubeuge; les Belges et les autres troupes alliées stationnées dans les Flandres, en direction de Gand. Si ces opérations réussissaient, les forces allemandes faisant face aux Français et aux Américains seraient rejetées dans la région montueuse et difficile des Ardennes, tandis que l'avance des armées britanniques menacerait leurs principales lignes de communication. On espérait aussi que l'affaiblissement graduel des forces allemandes dans les Flandres permettrait aux Alliés d'occuper le littoral belge par une attaque brusquée. Le succès dépendait surtout de l'avance que pourraient faire les armées britanniques au centre, où les Allemands étaient le plus solidement fortifiés; si l'on réussissait à percer ce front, leurs lignes latérales de communication seraient vitalement menacées.

En déclanchant ces attaques en rapide succession, le long d'un front de cent vingt milles, l'ennemi serait incapable de porter ses troupes de réserve d'un point à un autre, sur ses lignes de communication intérieures, comme il l'avait fait si fréquemment dans le passé, et généralement avec bonheur. Ses troupes seraient clouées sur leurs positions et, la ligne Hindenbourg étant percée, l'ennemi devrait abandonner une position défensive où il avait formé le projet de demeurer tout l'hiver.

Comme ces opérations devaient commencer par la droite, la totalité de la première armée américaine fut établie dans la région située derrière le secteur s'étendant entre la Meuse et la lisière occidentale de la forêt de l'Argonne, secteur qui était faiblement occupé de part et d'autre et où régnait depuis longtemps une tranquillité relative. Toutefois, les Allemands avaient construit en arrière de leur première ligne, trois autres positions alternatives fortement retranchées. Le 26 septembre au matin, la première armée américaine et la quatrième armée française attaquèrent simultanément des deux côtés de l'Argonne, entre la Meuse et la Suippe. Le flanc droit de l'armée américaine était couvert par la Meuse, mais son aile gauche était obligée de se frayer un chemin à travers une région de collines, de ravins et de bois épais, coupée de nombreuses redoutes et hérissée de multiples obstacles. Quoique les Allemands semblent avoir été surpris par cette attaque, leurs réserves furent rapidement mises en ligne et continrent les assaillants. À la droite, la première et la seconde ligne de défense furent prises avec plusieurs milliers de prisonniers. À l'ouest de l'Argonne, les Français pénétrèrent jusqu'à la seconde ligne allemande, qu'ils ne purent dépasser.

Le 26 septembre au soir, les première et troisième armées britanniques occupaient un front s'étendant depuis le village de Seleney, à l'ouest de St-Quentin, à travers Gouzeaucourt et Havrincourt, jusqu'à la région marécageuse et inondée bordant la rive de la rivière Sensée, à Écourt St-Quentin.

Entre St-Quentin et Bantouzelle, les principaux ouvrages de la ligne Hindenbourg étaient généralement situés sur la rive est du canal de l'Escaut; leurs emplacements avaient été choisis très habilement, de manière à empêcher l'occupation de positions d'artillerie d'où l'on aurait pu les dominer. Le canal lui-même était utilisé tant pour servir d'abri aux troupes de réserve ou au repos, que comme refuge pour les garnisons des tranchées principales pendant un bombardement. À certains endroits, la profondeur du canal atteignait jusqu'à soixante pieds; il passait sous un tunnel long de trois milles et demi. Ce tunnel servait au logement des troupes et communiquait par des ouvertures avec les tranchées de surface. Dans les parois du canal, de nombreux abris en béton avaient été creusés. Tout le long de la berge, de nombreux fortins garnis de mitrailleuses étaient dissimulés. Sur la rive ouest du canal, deux lignes de tranchées bien organisées le côtoyaient parallèlement, au sud de Belli court, endroit où son lit avait très peu de profondeur; tous ces travaux étaient protégés par de larges ceintures en fil de fer barbelé. Une multitude de boyaux de communication, généralement protégés par des fils de fer, avaient été creusés pour renforcer les points faibles ou bien pour s'assurer des positions favorables au tir. L'ensemble de ce système de défenses, parsemé de nombreux villages fortifiés, occupait un terrain large de sept à dix kilomètres, merveilleusement organisé et pourvu de tous les moyens de résistance révélés par quatre années d'expérience de la guerre. La partie septentrionale du canal formait un obstacle trop formidable pour que l'on osât tenter de la franchir en face de l'ennemi. La force extraordinaire de cette position rendit nécessaire une préparation d'artillerie prolongée. Elle commença pendant la nuit du 26 au 27 septembre tout le long du front des trois armées, dans l'intention de tromper l'ennemi sur le point où se produirait l'attaque, qui devait être conduite par les première et troisième armées seulement. Le 27 septembre à 5.20 a.m. le corps canadien et les trois corps britanniques commencèrent leur marche en avant dans la direction de Cambrai, sur un front de treize milles, commençant à Gouzeaucourt et s'étendant vers le nord. Aidée par soixante-cinq chars, l'infanterie pénétra bientôt profondément dans la position allemande, malgré une résistance opiniâtre. Le passage du canal fut forcé en différents points et la berge opposée occupée. Des ponts furent alors rapidement construits et les divisions de tête les passèrent. À la fin de la journée, une avance sensible avait été réalisée sur tout le front d'attaque; on avait pris 10,000 prisonniers et 200 canons. Le lendemain le mouvement fut repris, plusieurs villages fortifiés étant enlevés d'assaut. Le bombardement commencé dans la matinée du 27 septembre avait été continué sur tout le front de la quatrième armée pendant quarante-huit heures, sans aucun arrêt. En cette journée seule, l'artillerie anglaise tira 943,837 projectiles, pesant 40,000 tonnes. Cette dépense de munitions est plus considérable que celle que l'on avait faite pendant toute la guerre sud-africaine, qui avait duré trois ans. Les troupes qui occupaient la première ligne allemande durent se réfugier dans leurs abris casemates pour échapper à ce feu intense; elles furent privées de nourriture et de munitions pendant tout ce temps, personne ne pouvant s'approcher impunément pour les ravitailler.

Le 29 septembre, dès le matin, deux corps de l'armée britannique et un corps de l'armée américaine, appuyés par un grand nombre de chars lancèrent une attaque, sur un front de douze milles, partant d'Holnon et se prolongeant vers le nord. À la droite de la quatrième armée, la première armée française continuait ses opérations dans le secteur de St-Quentin, tandis qu'à sa gauche deux corps de la troisième armée attaquaient également. Une division de la quatrième armée britannique enleva d'assaut le village de Bellenglise, sur la rive est du canal, quelques soldats ayant traversé le canal sur des passerelles que l'on n'avait pas laissé à l'ennemi le temps de détruire; d'autres, munis de ceintures de sauvetage et portant des radeaux et des échelles d'escalade, se laissèrent glisser le long des parois verticales du canal, qu'ils traversèrent à la nage ou à gué. Les tranchées allemandes et leurs abris dans le grand tunnel furent occupés, tandis que la garnison du village était cernée et prise. À elle seule, la quarante-sixième division (« Midland ») fit 4,600 prisonniers et s'empara de plus d'un millier de mitrailleuses. Plus au nord, le deuxième corps américain, malgré une résistance opiniâtre, réussit à occuper les principaux points de résistance. La troisième armée prit Masnières et s'assura les ponts du canal dans la banlieue de Cambrai. Au nord-ouest de cette ville, le corps canadien gagna du terrain et occupa deux villages. Pendant les deux jours qui suivirent, la lutte se continua sur tous ces fronts. Le 30 septembre, la trouée faite dans la ligne Hindenbourg fut considérablement élargie. Les Allemands évacuèrent deux de leurs positions principales sur la rive ouest du canal et se retirèrent derrière le canal. Le lendemain, la première armée française attaquait par l'ouest, s'emparant de la plus grande partie de St-Quentin, chassant l'ennemi de maison en maison, en même temps que le corps australien et une division anglaise opérant sur la gauche atteignaient la voie ferrée au delà du canal. Une pluie violente accompagnée d'un grand vent mouillait les troupes et détrempait les champs, mais n'arrêtait pas cette avance. Le 2 octobre, les Français occupaient la totalité de la ville de St-Quentin et leurs lignes au sud de cette ville étaient avancées jusqu'à l'Oise. Au sud de Cambrai, la division de la Nouvelle-Zélande et une division anglaise prenaient deux villages fortifiés, et au nord de cette ville, le corps canadien occupait un plateau. À ce point, les combats furent extrêmement sévères, car durant ces cinq journées les Allemands employèrent successivement onze divisions, dans leurs efforts frénétiques de résistance. Jusqu'au 8 octobre, l'avance se continua sur tout le front, lentement mais inexorablement; ce jour-là, le corps canadien s'empara des ponts du canal près de Ramillies, au nord-est de Cambrai, rendant cette ville intenable; conséquemment les Allemands l'abandonnèrent et reculèrent sur la ligne de la rivière Selle. Dans la nuit du 9 octobre, Cambrai fut occupé par les troupes britanniques et canadiennes. En dix jours de combats victorieux, la dernière ligne de résistance allemande, qui était aussi la plus forte, avait été démolie et franchie. Le terrain était libre pour la guerre de mouvement et l'on pouvait manœuvrer contre leurs lignes de communication. On peut considérer cet exploit comme l'une des opérations les plus décisives de la guerre. Entre le 27 septembre et le 10 octobre, trente-cinq divisions d'infanterie et trois divisions de cavalerie britanniques, aidées par deux divisions d'infanterie américaines, avaient battu quarante-cinq divisions d'infanterie allemande, faisant 12,000 prisonniers et prenant 250 canons. L'effet moral d'une défaite aussi coûteuse était d'une importance plus grande encore.

Le maréchal Foch ayant mandé les chefs des différentes armées à Cassel, le 9 septembre, leur donna ses instructions en vue des opérations offensives qu'il avait décidées et qui devaient avoir pour théâtre le front des Flandres. Les forces considérables qui devaient entreprendre ces opérations furent placées sous le commandement du roi des Belges. Elles étaient composées de l'armée belge, de deux corps de la deuxième armée britannique, de plusieurs divisions françaises et de deux divisions américaines venues de la Meuse. Sans aucun bombardement préalable, les deux corps britanniques attaquèrent sur un front de cinq milles et enlevèrent aisément la totalité des hauteurs situées à l'est d'Ypres, pour la possession desquelles tant de sang avait coulé l'année précédente. Les Belges attaquèrent sur un front de huit milles, depuis Dixmude jusqu'au nord d'Ypres, et avancèrent d'environ trois milles. Le lendemain, les Anglais traversèrent la Lys, marchant sur Roulers, d'où les Belges s'approchaient également. Les Allemands commencèrent à évacuer La Bassée, Armentières et Lens. Un saillant fut creusé dans leurs lignes qui mettait en grand danger leurs positions sur le littoral belge. Fendant son avance des 28 et 29 septembre, la deuxième armée britannique avait pris 4,800 prisonniers et 100 canons.

Alors commença la phase finale de l'offensive britannique ayant comme objectifs essentiels la prise de Maubeuge et la rupture du principal réseau latéral de voies ferrées constituant les communications des armées allemandes. La quatrième et la troisième armées britanniques et la droite de la première armée se mirent en mouvement, leur flanc gauche appuyé au canal de Cambrai à Mons, et leur droite couverte par la première armée française.

Au nord et au sud de l'Aisne les armées françaises, dans lesquelles figuraient quelques détachements de troupes italiennes, continuaient leur marche victorieuse. Le 8 octobre, la première armée française s'avança le long de l'Oise vers le sud de St-Quentin; d'autres corps français et les troupes américaines attaquaient en Champagne et à l'est de la Meuse et faisaient d'importants progrès.

Les troisième et quatrième armées britanniques, appuyées par une division américaine, marchaient sur un front de dix-sept milles dans la direction du Cateau. Après de rudes combats, les positions allemandes furent pénétrées sur une profondeur de trois à quatre milles. Leurs tranchées peu profondes furent rapidement enlevées et l'ennemi repoussé en terrain découvert. La résistance de l'ennemi s'affaiblit énormément; son infanterie désorganisée se retira vers l'est. Les aviateurs britanniques signalaient que les routes convergeant sur le Cateau étaient couvertes de fantassins en retraite et de fourgons. Le lendemain matin la marche fut reprise, la cavalerie britannique prenant part à la poursuite. Quant vint la nuit, l'avant-garde était à moins de deux milles du Cateau; elle avait empêché les Allemands d'achever la destruction de la voie ferrée. Le 10 octobre la marche se continua, mais le résistance allemande se raidit sensiblement et, malgré plusieurs tentatives, la cavalerie britannique ne réussit pas à traverser la Selle. La première armée française avait réalisé une avance considérable à l'est de St-Quentin. Dans cette opération vingt divisions d'infanterie et deux divisions de cavalerie britannique, plus une division d'infanterie américaine, chassèrent devant elles vingt-quatre divisions allemandes et leur prirent 12,000 prisonniers et 250 canons. D'importantes lignes de chemin de fer, à double voie, faisant communiquer St-Quentin avec Cambrai en passant par Busigny, étaient entièrement en la possession des Alliés. Dès le 3 octobre, les armées britanniques étaient postées sur la rivière Selle, où elles avaient établi des têtes de pont en différents endroits; la position allemande se trouvait encore profondément endentée. Les troupes françaises et américaines, opérant des deux côtés de l'Argonne, avaient également gagné du terrain sans répit. La totalité de la crête du Chemin des Dames était en possession de l'armée française les 11 et 12 octobre. Le 13 octobre, les troupes françaises entrèrent sans opposition à la Fère et à Laon. La clef des anciennes positions allemandes en France était entre leurs mains.

Le 14 octobre, au point du jour, les troupes alliées, commandées par le roi des Belges reprirent l'offensive sur la totalité du front s'étendant depuis la Lys, à Comines, jusqu'à Dixmude. Cette attaque eut un succès complet. Roulers fut pris et les 16 et 17 octobre les forces alliées entraient à Menin et Courtrai. Les défenses de Lille étant tournées sur les deux flancs, les Allemands évacuèrent cette ville le 16 octobre et le même jour les troupes britanniques y faisaient leur entrée. Ostende, importante base des sous-marins sur le littoral belge, fut évacué le 17 octobre. Les Allemands établirent leurs nouvelles lignes de défense sur la Selle et l'Escaut.

Sur la droite, la marche des troupes américaines était lente et difficile, tant à cause de la nature montueuse de la contrée que de la résistance opiniâtre de l'ennemi, et aussi dans une certaine mesure en raison de la désorganisation de leurs services de transports, qui avaient été encombrés d'une trop grande quantité de bagages. Leur état-major était inexpérimenté et manquait, d'ailleurs, des voies ferrées nécessaires à leurs communications. Le 4 octobre, la première armée américaine renouvela son attaque sur tout le front, s'avançant sur les deux rives de la Meuse et le long de la vallée de l'Aire, où les collines boisées de l'Argonne avaient été habilement fortifiées. Ses pertes furent lourdes, mais elles furent rapidement remplacées. Toutefois, ce ne fut que le 16 octobre que cette armée put prendre pied sur la troisième ligne de défense allemande, en occupant la ville de Grand pré, nœud important de voies ferrées. Elle fit halte en ce point, afin de s'y réorganiser préalablement à l'attaque qu'elle projetait sur les positions de Freya, dernière ligne de résistance allemande au sud de Sedan. Sur la gauche américaine, les Français avancèrent le même jour, franchirent l'Aisne et s'emparèrent des positions allemandes sur la rive droite de cette rivière. Puis le général Gouraud remonta le cours de l'Aisne, prenant Neufchâtel et d'autres villes. Vouziers fut occupé le 12 octobre et la marche reprit dans la direction de Rethel. Sur cette partie de la ligne, la retraite des Allemands était générale, mais elle s'accomplissait en bon ordre.

Sur le front britannique les communications s'améliorèrent rapidement et il devint bientôt possible d'entreprendre de nouvelles opérations importantes. Le 17 octobre, la quatrième armée attaqua sur un front de 10 milles, devant le Cateau; deux corps d'armée britanniques et un corps américain agissaient en coopération avec la première armée française sur sa droite. Les Allemands occupaient en grande force une ligne passant à travers une contrée ondulée et boisée; ils étaient bien appuyés par leur artillerie. Ils résistèrent obstinément, mais le 19 octobre au soir ils furent repoussés au delà du canal de Sambre-et-Oise à presque tous les points au sud de Catillon. Ce succès fut suivi par la mise en marche, dès le lendemain à deux heures du matin, de six divisions de la troisième armée britannique et d'une divison de la première armée, le long du cours de la Selle, au nord du Cateau. Soutenue par de nombreux chars d'assaut qui avaient réussi à traverser la rivière, l'infanterie eut raison d'une défense opiniâtre et repoussa de nombreuses contre-attaques. On atteignit les objectifs fixés sur le plateau situé à l'est de la Selle, en même temps que les autres troupes de la première armée s'avançaient sur les deux rives du cinal de l'Escaut et occupaient Denain.

Le 23 octobre, aux première heures du jour, une autre opération de large envergure fut entreprise sur un front de quinze milles; quatre divisions de la quatrième armée britannique et quatre autres de la troisième armée y furent engagées. Le lendemain, trois divisions de la première armée prolongèrent la ligne d'attaque de cinq milles plus au nord, dans la direction de l'Escaut. La température défavorable n'avait pas permis de découvrir l'emplacement des batteries ennemies, dont le feu était meurtrier et bien dirigé; néanmoins, au cours de deux journées de combat, on avança de six milles à travers une région particulièrement difficile. L'ennemi défendit avec énergie de nombreux bois et maints villages; l'un de ceux-ci ne put être emporté que dans après-midi du 24 octobre, par un mouvement d'encerclement qui nécessita deux divisions. On atteignit la lisière ouest de la forêt de Mormal et, à la faveur d'opérations accomplies pendant les trois journées suivantes, une section importante du chemin de fer de Valenciennes au Quesnoy fut occupée. Pendant les combats livrés entre le 17 et le 25 octobre, vingt-quatre divisions britanniques et deux divisions américaines avaient combattu trente et une divisions allemandes; elles avaient pris 21,000 prisonniers et 450 canons, et avaient atteint tous leurs objectifs. On commença à s'apercevoir que les fantassins et les mitrailleurs allemands étaient fatigués de la guerre, car en plusieurs circonstances, ils s'étaient retirés sans combattre, devant un simple feu de barrage de l'artillerie britannique. Les lourdes pertes en canons, mitrailleuses et munitions, subies par les Allemands, étaient extrêmement difficiles à remplacer et, de plus, leurs réserves en hommes étaient presque épuisées. La capitulation de la Bulgarie et de la Turquie et l'écroulement prévu de l'Autriche rendaient leur situation militaire désespérée, ce qui explique le complet découragement de leurs troupes. Toutefois, les Alliés craignaient qu'en permettant aux armées ennemies de se retirer sur des lignes plus courtes près de leurs propres frontières, celles-ci puissent continuer leur résistance pendant l'hiver. Pour écarter ce danger un autre mouvement général fut entrepris sur la totalité du front allié. Le 9 octobre une seconde armée américaine fut constituée et occupa un secteur du front dans la Wœvre; vingt et une divisions américaines étaient alors en campagne formant, avec leurs unités non combattantes, près d'un million d'hommes. La première armée américaine continuait à s'avancer lentement en descendant la rive gauche de la Meuse, surmontant une résistance acharnée. Le 2 novembre elle était arrivée à Buzancy et avait totalement chassé les Allemands de l'Argonne. Les 4 et 5 novembre, le troisième corps d'armée força le passage de la Meuse en deux endroits et prit pied sur la rive gauche. Le 6 novembre, le premier corps atteignit cette rivière en face de Sedan, où il entra avec des troupes françaises le lendemain. Le 8 novembre d'autres unité de la même armée s'avancèrent jusqu'à Montmédy et occupèrent Stenay le 10 novembre.

Après la prise de Vouziers, l'armée française se dirigea vers la portion de l'Argonne se trouvant au nord de Grand pré et en chassa les Allemands après plusieurs jours de rudes combats. Un autre co-ordre de la même armée occupa Hirson le 9 novembre et atteignit la frontière belge. Entre l'Aisne et la Meuse, l'armée de Gouraud s'avançait sans opposition jusqu'à ce qu'elle atteignit la Meuse entre Sedan et Mézières, où elle traversa la rivière et reprit Mézières. L'armée de Mangin atteignit la rive nord de la Serre le 25 octobre et traversa l'Aisne en différents points, entre Rethel et Attigny, le 5 novembre. La première armée française, commandée par le général Debeney, s'avança le long de l'Oise. À Guise elle rencontra une résistance opiniâtre, les Allemands conservant cette ville jusqu'au 23 octobre.

Entrée des troupes canadiennes à Mona à la fin de la Guerre

Le 1er novembre, à l'aube, le dix-septième corps de la troisième armée britannique, et le vingt-deuxième corps et le corps canadien appartenant à la première armée, attaquèrent sur un front de six milles, au sud de Valenciennes. En deux jours de combats acharnés les Allemands furent expulsés de leurs positions; la quatrième division canadienne prit Valenciennes et dépassa cette ville dans sa marche. Le 3 novembre, les Allemands reculèrent encore et la ligne fut avancée en conséquence. Comme l'on acquit la certitude que l'ennemi projetait une autre retraite, l'attaque principale fut accélérée. Elle fut déclanchée le 4 novembre par les quatrième, troisième et première armées britanniques sur un front de trente milles s'étendant depuis la Sambre, au nord de Cisy, jusqu'à Valenciennes. La nature de la contrée rendait cette opération extrêmement difficile. On dut traverser la rivière dès le début, et au centre la grande forêt de Mormal, avec toutes les obstructions que les Allemands y avaient accumulées, présentait un obstacle formidable. Plus au nord, plusieurs cours d'eau courant parallèlement à la marche des armées devaient être franchis; enfin il fallait prendre Le Quesnoy, ville fortifiée. Après un feu de barrage très efficace, les positions allemandes furent bientôt pénétrées tout le long du front et, à la tombée de la nuit, on avait avancé de cinq milles. La Sambre fut traversée sur des radeaux et l'on prit Landrecies. Le 5 novembre, avant le lever du jour, la bataille recommença et l'on atteignit la lisière est de la forêt. Le Quesnoy fut investi par la division de la Nouvelle-Zélande et la garnison allemande se rendit dans l'après-midi. Sur la droite anglaise, la première armée française prolongeait la ligne d'attaque au sud jusqu'aux environs de Guise, prenant quantité de prisonniers et de canons. Par ces opérations, la résistance allemande fut finalement vaincue. Pendant la nuit, l'ennemi recula sur la presque totalité du front et, pendant les trois jours qui suivirent, sous une pluie persistante, les troupes victorieuses continuèrent à presser leur marche, presque sans opposition. Les routes encombrées par les troupes ennemies et leurs fourgons, offraient des buts faciles aux projectiles des aviateurs alliés qui, en dépit du mauvais temps, profitèrent largement de l'occasion qui leur était offerte. De nombreux canons et véhicules furent abandonnés par les troupes en retraite. Le 8 novembre, les troupes britanniques pénétrèrent dans la banlieue de Maubeuge et occupèrent cette forteresse le lendemain. En plusieurs colonnes, les première, cinquième et deuxième armées britanniques traversèrent l'Escant. Le 10 novembre, les cinq armées britanniques continuèrent leur marche, la cavalerie et les cyclistes précédant l'infanterie. Elles ne rencontrèrent qu'une faible résistance, sauf dans le voisinage de Mons; dans la matinée du 11 novembre cette ville était prise par la troisième division canadienne, avec de faibles pertes. La totalité de ses défenseurs furent tués ou faits prisonniers. Le grand désordre qui régnait parmi les troupes en retraite, le nombre des équipages et des magasins de toutes sortes qu'elles abandonnaient, démontraient combien leur défaite avait été décisive. Le 11 novembre, à 11 heures du matin, conformément aux ordres donnés par le généralissime des armées alliées, les hostilités furent suspendues à la suite de la conclusion d'un armistice. La droite de la quatrième armée avait alors traversé la frontière franco-belge.

Pendant cette dernière phase des opérations, qui a reçu le nom de bataille de Maubeuge et qui dura du premier au 11 novembre, vingt-six divisions britanniques furent engagées contre trente-deux divisions allemandes et leur prirent 19,000 prisonniers et 460 canons. La dernière grande ligne latérale de communications de l'ennemi était rompue. Ses positions sur l'Escaut se trouvaient tournées et ses forces divisées en deux groupes distincts, séparés par la grande barrière naturelle des Ardennes.

Au cours de cette longue période d'offensive ininterrompue et uniformément heureuse qui avait commencé le 18 juillet, les armées britanniques s'étaient emparé de 178,700 prisonniers et 2,480 canons, la capture de 31,537 prisonniers et 623 canons étant l'œuvre du corps canadien; les armées françaises avaient pris 139,000 prisonniers et 1,880 canons; les armées américaines 43,300 prisonniers et 1,421 canons; les armées belges 14,500 prisonniers et 474 canons.

Aux termes de l'armistice, les armées allemandes devaient évacuer tout le territoire situé sur la rive gauche du Rhin, cette région devant être occupée par les armées alliées, dont les garnisons devaient garder les principaux passages du Rhin à Mayence, à Coblentz et à Cologne, ainsi que les têtes de ponts de ces différents points, s'étendant sur un rayon de 30 kilomètres sur la rive droite. Cette évacuation devait être terminée dans les trente et un jours suivant la signature de l'armistice. Conformément à cette convention, il fut décidé que les première et quatrième armées britanniques marcheraient sur le Rhin et que le corps canadien formerait partie de la deuxième armée. Ce mouvement commença le 17 novembre, chaque armée s'avançant sur deux corps de front, marchant en plusieurs colonnes presque parallèles. Cette longue marche s'effectua par petites étapes. La frontière allemande fut traversée le 4 décembre et les troupes d'avant-garde atteignirent Cologne le 10 décembre. La ville de Mayence fut occupée par les troupes françaises et Coblentz par les Américains.

Opérations sur le front italien, 1918

Pendant la première partie de l'année, il y eut peu d'engagements importants sur ce front. Toutes les tentatives des Autrichiens pour traverser la basse Piave échouèrent, sans exception.

Le 15 juin, leur offensive depuis longtemps prévue commença sur un front de quatre vingt dix milles, s'étendant du plateau d'Asiago aux rivages de l'Adriatique. Dans le secteur de la Brenta, ils réussirent à pénétrer les trois premières lignes des retranchements italiens, faisant de nombreux prisonniers, mais le 17 le front était stabilisé sur ce point. Ailleurs, après avoir traversé la rivière, ils furent contenus tout près de ses rives. Les Autrichiens annoncèrent la capture de 30,000 prisonniers et 120 canons, tandis que les Italiens déclaraient avoir pris 9,000 Autrichiens. De très fortes pluies vinrent alors au secours des Italiens, causant une suspension complète des opérations. La Piave grossit rapidement et emporta plusieurs ponts, laissant des corps considérables de troupes autrichiennes sur la rive droite, séparées de leurs réserves et de leurs approvisionnements. La situation de ces troupes devint très périlleuse; néanmoins elles réussirent à repasser la rivière dans la nuit du 22 juin, à des points différents, non sans de lourdes pertes. Dans une série d'opérations heureuses effectuées les 24 et 25 juin, les Italiens avaient fait 18,000 prisonniers. Le 6 juillet, les Autrichiens furent forcés dans les positions qu'ils occupaient depuis novembre 1917, près de l'embouchure de la Piave. En octobre, la situation sur le front occidental présentait une si brillante perspective que le maréchal Foch ordonna une offensive générale par les Italiens sur la haute Piave; il espérait que les troupes autrichiennes pourraient être séparées et battues en détail. La principale attaque commença dans la nuit du 26 au 27 octobre; la dixième armée britannique, sous Lord Cavan, y participa en coopération avec deux armées italiennes. Le passage de la rivière fut forcé et, après deux jours de rudes combats, les Autrichiens furent chassés de leurs positions principales. Le 31 octobre, les armées alliées qui s'étaient avancées sur un très large front atteignaient la ligne de la Livenza. Les Autrichiens demandèrent alors un armistice, qui leur fut refusé. Ils furent rapidement rejetés au delà de cette rivière et leur retraite se changea en déroute. Udine et Bellune furent repris et le Tagliamento traversé le 2 novembre, en telle hâte que les Autrichiens ne purent prendre une nouvelle position derrière cette rivière. Un armistice fut conclu le 3 novembre, par lequel l'Autriche-Hongrie consentait à la démobilisation totale de son armée et à l'évacuation de tous les territoires envahis par elle. Elle venait de perdre en peu de jours trois cent mille prisonniers et cinq mille canons. L'écroulement de l'Autriche comme puissance militaire était complet.

Opérations sur le front balkanique, 1918

Les troupes françaises et italiennes commencèrent une série d'opérations offensives en Albanie au commencement de juin, qui obtinrent un grand succès. L'armée grecque avait été entièrement réorganisée et entraînée par des officiers français, dans le but de contribuer à reconquérir la Serbie, par une attaque générale contre l'armée bulgare dans les environs du lac Doiran et de la région de Kavadar. L'attaque générale commença le 15 septembre; des troupes britanniques, grecques, françaises et serbes y prirent part. Les lignes bulgares furent percées et les troupes qui les occupaient se trouvèrent séparées et obligées de reculer sur des routes divergentes. La poursuite s'effectua avec vigueur; dès le 23 septembre les régiments bulgares étaient complètement désorganisés, abandonnant leurs équipages et jetant leurs armes. Les forces victorieuses marchèrent immédiatement sur la capitale et le gouvernement bulgare demanda un armistice le 26 septembre, qui lui fut accordé et dont les termes étaient à peu près équivalents à une reddition sans conditions. Les hostilités cessèrent le 30 septembre à midi. La défaite des Bulgares laissait les forces austro-allemandes de la Serbie et de l'Albanie dans une situation tellement périlleuse qu'une rapide retraite devint inévitable. Durazzo fut pris par les troupes italiennes le 14 octobre; le 3 novembre, après la conclusion de l'armistice avec l'Autriche, des troupes alliées furent débarquées à Scutari pour occuper cette ville et ses alentours jusqu'à la signature du traité de paix.

La guerre en Asie, 1918

Après s'être emparé de Jérusalem, le général Sir E.H. Allenby s'avança lentement vers le nord, dans le but de prévenir tout mouvement qu'aurait pu tenter la nombreuse armée turque rassemblée à Alep sous von Falkenhayn, contre l'armée du général Marshall qui se trouvait en Mésopotamie. Des détachements d'Arabes irréguliers, levés par le roi de l'Hedjaz, l'aidaient et le couvraient à la droite du Jourdain. Le 21 février, Jéricho fut pris et les Turcs se retirèrent derrière le Jourdain. Au commencement de mars les troupes britanniques s'avancèrent en Mésopotamie, battant à deux reprises une troupe ennemie qui s'opposait à sa marche.

L'armée russe qui occupait l'Arménie commença son évacuation en février; elle était suivie par les Turcs, qui réoccupèrent Trébizonde et Erzeroum, puis prirent Batoum le 16 avril. Une petite colonne de troupes britanniques, partie de la Mésopotamie, exécuta une marche rapide quoique très fatigante de plus de sept cents milles et prit possession de Bakou, ville de grande importance à cause de sa production considérable de pétrole. Vers la fin de l'année, menacé par une attaque de troupes allemandes et bolchévistes très supérieures en nombre, ce détachement dut abandonner la ville. Pendant la chaude saison, durant laquelle les hostilités furent suspendues, le général Allenby occupa une ligne s'étendant depuis le littoral méditerranéen jusqu'au Jourdain, à environ quinze milles en avant de Jérusalem, tandis qu'une armée turque dépassant 100,000 hommes campait sur les collines de Samaria, lui faisant face. On avait achevé un chemin de fer militaire faisant communiquer Jérusalem avec le Caire, et une canalisation d'eau avait été posée, qui amenait les eaux du Nil. La position turque était naturellement très forte et avait été soigneusement préparée pour la défensive.

Les troupes turques étaient ravitaillées par deux embranchements du chemin de fer de Damas et la grande route de Jérusalem à Damas traversait leur camp et constituait leur ligne de retraite naturelle. Une série de démonstrations et de coups de main furent dirigés sur la gauche de leur position principale, c'est-à-dire entre la grande route et le Jourdain, pour attirer leur attention sur cette partie de leur front, pendant que l'attaque principale se porterait sur leur droite, près du rivage de la mer. Si l'on réussissait à ouvrir une brèche, la totalité de la cavalerie devait s'y précipiter et s'efforcer de couper la retraite des troupes battues. Une vigoureuse attaque fut lancée le 19 septembre contre la gauche de l'armée turque et eut le résultat désiré. Le lendemain matin, l'attaque principale fut déclanchée par une force considérable de troupes australiennes, britanniques et françaises, sur un front de seize milles, dont le centre était en face de Gilgal. Après quelques heures d'une résistance déterminée, les troupes turques de l'extrême droite cédèrent; une poursuite vigoureuse les mit en complète déroute et elles se dispersèrent. La totalité de la cavalerie de l'armée alliée s'avança rapidement, sur deux colonnes, à travers la plaine de Sharon, l'une de ces colonnes se rabattant immédiatement vers l'est pour intercepter la retraite des restes de l'armée turque en s'emparant de la route de Damas et des voies ferrées, pendant que l'autre colonne poursuivait l'ennemi jusqu'à Nazareth, et de là se dirigeait à l'est vers le Jourdain. L'infanterie britannique s'était avancée à marches forcées et avait saisi les gués de ce fleuve, tandis que, en même temps, les Arabes auxiliaires, par une série d'attaques, avaient coupé les voies ferrées. Ce fut une victoire décisive; 75,000 prisonniers et 700 canons en étaient le prix. Les septième et huitième armées turques avaient cessé d'exister. Une colonne de cavalerie, partie de Nazareth, occupait Jaffa et Acre et la contrée avoisinant le lac de Tibériade, le 23 septembre. , Allenby se dirigea ensuite vers le nord sans rencontrer beaucoup de résistance; le premier octobre sa cavalerie entra à Damas, faisant 7,000 prisonniers, tandis qu'un détachement de troupes françaises occupait Beyrouth. Le 5 octobre on atteignait Alep, point de croisement du chemin de fer de la Palestine avec le réseau principal. Tripoli fut pris le 13 octobre, Homs le 15 et Alep, base de l'ennemi et nœud important de voies ferrées, le 26, les débris de l'armée turque s'étant retirés sans combattre. Les forces turques occupant la Mésopotamie se trouvaient entièrement coupées de leur base. Le 24 octobre, le général Marshall reprenait sa marche sur Mosul. Conscient de sa faiblesse le gouvernement turc implora la paix; à cette fin, il envoya le général Townshend, qui était encore prisonnier de guerre, en porter la demande à l'amiral anglais qui exerçait le commandement dans la mer Egée. Les conditions proposées, qui furent acceptées, comportaient une soumission complète et sans réserves. Le 9 novembre une escadre de contre-torpilleurs anglais et français entrait dans les Dardanelles et les troupes britanniques prirent possession des forts de Constantinople. Le 13 novembre une puissante escadre alliée arrivait avec l'intention d'attaquer la flotte allemande de la mer Noire, mais ces opérations furent arrêtées par la signature de l'armistice avec l'Allemagne.

Évènements sur le front oriental, 1918

Après avoir conclu un armistice avec les puissances centrales à Brest-Litovsk, le gouvernement bolchéviste de Pétrograd était encore en état de guerre avec les nouvelles républiques de la Finlande et de l'Ukraine, et guerroyait toujours contre les cosaques du Don. Le 7 janvier 1918 les négociations avec l'Allemagne furent reprises à Brest-Litovsk, où la république de l'Ukraine était représentée, et l'on se mit d'accord sur les conditions de paix. Immédiatement après, le gouvernement bolchéviste ordonna la démobilisation de toutes les armées qui obéissaient à ses ordres et proclama la fin des hostilités, Mais avant que ces ordres aient pu être exécutés, des troupes bolchévistes s'étaient emparées de Kief, capitale de l'Ukraine. Prétendant que les bolchévistes avaient violé les conditions de paix et que leur démobilisation était restée incomplète, les troupes autrichiennes et allemandes se portèrent rapidement clans l'Ukraine, au secours de leurs nouveaux alliés. Une armée traversa la Dvina le 18 février et occupa l'importante ville de Dvinsk; une autre colonne, partie de Kovel, occupa la forteresse de Lutsk. Une troisième, partie de Riga et longeant le littoral de la mer Baltique, suivait la voie ferrée conduisant à Pétrograd. Les Austro Allemands prirent Kief le premier mars, mais ils ne s'avancèrent pas au delà d'une ligne s'étendant de cette ville jusqu'à la mer Baltique, près de Revel, et passant par Yitebsk. Le gouvernement bolchéviste se soumit à toutes les conditions qui lui furent imposées et le traité fut signé le 3 mars 1918. Toutefois, les troupes allemandes continuèrent à marcher vers le sud. Elles prirent Odessa et s'emparèrent de la totalité de la flotte de la mer Noire; une autre colonne se dirigeant vers l'est entrait en Crimée. Les troupes allemandes furent aussi envoyées en Finlande et en Ukraine, avec l'intention avouée d'exiger par la force l'exécution des conditions économiques du traité de paix, spécialement la livraison de denrées alimentaires à l'Autriche et à l'Allemagne.

Ce qui restait de l'armée roumaine avait été forcé de se retirer en Bessarabie. Les Alliés étaient impuissants à lui porter secours. Après la conclusion de l'armistice de l'automne 1917, le gouvernement roumain s'était fermement opposé à l'acceptation des conditions de paix dictées par l'Allemagne; cependant, le 6 mai 1918, toute résistance étant impossible, la Roumanie signait un traité de paix avec les puissances centrales, consentant à la perte de vastes territoires, au paiement d'une lourde indemnité de guerre, et accordant un libre passage aux troupes allemandes qui s'avançaient en Russie.

Après l'écrasement de l'armée bulgare, les troupes alliées traversèrent le Danube et l'armée allemande se retira devant elles. À la conclusion de l'armistice, ces troupes commandées par le feld-maréchal von Mackensen tentèrent de rentrer en Allemagne, mais elles furent internées en Hongrie, à la demande des Alliés. Les troupes alliées entrèrent à Bucharest le 17 novembre et un détachement britannique occupa Constanza, grand port roumain sur la mer Noire. Des troupes de terre et de mer britanniques et françaises débarquèrent des vaisseaux alliés à Murmansk le 15 juillet et à Archangel le 4 août, afin d'aider les garnisons russes locales à défendre ces ports, comme aussi pour la protection d'immenses quantités d'équipements militaires qui y avaient été débarqués pour l'ancien gouvernement russe. Une colonne partie d'Archangel se dirigea vers le sud en remontant le cours de la Dvina et fut attaquée par les troupes bolchévistes. Cette colonne fut renforcée en septembre par une brigade de troupes américaines.

Le 4 août une force alliée composée de troupes américaines, britanniques, françaises et japonaises débarquait à Vladivostock pour la protection de ce port et des approvisionnements considérables qui s'y trouvaient. À la demande du gouvernement britannique, ces détachements furent renforcés par un corps de troupes canadiennes organisées pour ce service spécial, commandées par le major général J. H. Elmsley et appelées « Force canadienne expéditionnaire en Sibérie ». Un corps de troupes tchécoslovaques ayant autrefois fait partie de l'armée autrichienne et s'étant volontairement rendu aux Russes, avait pris du service dans l'armée russe sous les auspices du gouvernement Kerensky. Elles se trouvaient près de Kief lorsque les Allemands envahirent l'Ukraine; elles se retirèrent le long de la ligne du chemin de fer du Don à Vladivostok, après quoi elles coopérèrent efficacement aux opérations contre les forces bolchévistes en Sibérie.

La guerre sur mer, 1918

La grande flotte britannique continuait à maintenir et à resserrer de plus en plus son blocus des ports des puissances ennemies. La chasse aux sous-marins hostiles se poursuivait avec plus de vigueur et de succès que jamais; quoique les incursions des sous-marins allemands aient été audacieusement portées jusque sur les côtes des États-Unis et de la Nouvelle-Écosse pendant l'été, et qu'un certain nombre de petits navires aient été détruits par eux ou par les mines qu'ils avaient posées, cette menace resta sans effet et ne retarda pas un seul instant le mouvement ininterrompu des troupes, ni leur ravitaillement à travers l'Atlantique. Quelques attaques furent également tentées par des contre-torpilleurs ou des sous-marins, contre certaines villes anglaises et françaises du littoral, mais sans causer de grands dommages, car les assaillants prenaient la fuite après avoir tiré quelques coups de canon. Quatre vaisseaux hôpitaux anglais retournant en Angleterre chargés de blessés, furent coulés, quoique leur identité fut très apparente; il en résulta de très nombreuses pertes de vie. La flotte allemande de combat était incapable de prendre la mer pour livrer une grande bataille, en raison de la démoralisation de ses équipages, qui s'était produite immédiatement après la bataille du Jutland et qui durait encore. Une grave mutinerie se produisit le 3 novembre sur les navires de cette flotte, qui semble avoir dégénéré en un véritable mouvement révolutionnaire et doit avoir accéléré la signature de l'armistice, aux termes duquel les meilleurs vaisseaux de guerre et tous les sous-marins de la marine allemande, devaient être livrés. L'amirauté anglaise a vait annoncé officiellement que cent cinquante sous-marins allemands et sept sous-marins autrichiens avaient été coulés depuis le commencement de la guerre jusqu'en août 1918. Des informations subséquemment obtenues ont démontré que cette estimation était sensiblement inférieure à la réalité, le nombre des sous-marins pris ou détruits excédant deux cents. Aussitôt après leur occupation des ports de Zeebrugge et d'Ostende, sur le littoral belge, les Allemands y avaient établi une formidable base pour leur campagne sous-marine. Par sa proximité des côtes anglaises et françaises et sa sécurité relative, cette base était devenue une sérieuse menace pour les communications maritimes de l'armée britannique en France et pour le commerce maritime du pays. Une attaque tentée contre ces ports le 13 avril avait échoué, entraînant des pertes sensibles. Une seconde tentative sur une plus grande échelle fut alors soigneusement organisée, avec la coopération de la marine française. Son objet essentiel était de bloquer le canal de Bruges à sa naissance dans le havre de Zeebrugge; de bloquer la sortie du port d'Ostende; enfin de faire autant de dommage qu'il serait possible à ces deux ports. Cinq vieux croiseurs furent remplis de béton pour être coulés en des points choisis. L'expédition partit de son point de concentration, éloigné de soixante-trois milles, dans l'après-midi du 22 avril et sous le couvert d'un écran de fumée et de brume artificielles, les vaisseaux qui la composaient entrèrent hardiment dans le goulet et réussirent, à minuit, à atteindre le môle de Zeebrugge, où un détachement de matelots et de marins fut débarqué. Cette attaque par terre, qui n'était qu'une diversion destinée à favoriser aux vaisseaux l'accès de la darse, réussit entièrement; ces navires se rendirent aux emplacements qui leur avaient été indiqués, où quatre d'entre eux furent coulés, conformément aux plans établis; l'entrée du canal de Bruges était complètement bloquée. Le détachement fit sauter le viaduc, mais les dommages causés au môle ne furent pas aussi graves qu'on l'avait espéré. L'entrée du chenal d'Ostende ne fut bloquée que partiellement, mais une seconde tentative faite le 9 mai fut plus heureuse. Le vieux croiseur « Vindictive » fut rempli de béton à cet effet et coulé dans une telle position qu'il obstrua complètement l'entrée. Ces entreprises audacieuses, ainsi que l'établissement d'un immense champ de mines dans la mer du Nord, s'étendant depuis les îles Oreades jusqu'à la côte norvégienne, soit une distance de deux cent trente milles, qui fut principalement l'œuvre de la marine des États-Unis, contribuèrent grandement à affaiblir les effets de la campagne sous-marine de l'ennemi. Le 20 janvier, des vaisseaux de guerre anglais attaquèrent les croiseurs turcs, qui avaient été autrefois le Goeben et le Breslau de la marine allemande, à l'entrée des Dardanelles. Le Breslau fut coulé dans cette action et le Goeben, sérieusement avarié, alla s'échouer sur le rivage. Les Anglais perdirent deux monitors légers.

Une autre escadre de monitors avait bombardé Ostende le 22 mars.

Le 14 mai, des torpilleurs italiens entrèrent dans le port de Pola, détruisirent un dreadnought et réussirent à s'échapper. D'autres torpilleurs attaquaient une escadre de cuirassés le 10 juin; un cuirassé fut coulé et une autre gravement avarié. Le 2 octobre une autre attaque heureuse eut pour théâtre le port de Durazzo.

Trois cuirassés russes et un certain nombre des sous-marins russes et anglais pris dans les glaces de la mer Baltique furent détruits lors de l'approche des Allemands en avril, mais le surplus de la flotte russe naviguant dans cette mer réussit à se retirer à Kronstadt. En juin, les Allemands prirent possession de la totalité de la flotte russe de la mer Noire, mais ils restituèrent ces vaisseaux aux Alliés le 27 novembre. La première division de la grande flotte allemande, conformément aux conditions de l'armistice, se livra à une flotte alliée commandée par l'amiral sir David Beatty, en vue du Firth of Forth. Cent vingt-deux sous-marins allemands, parmi lesquels plusieurs du plus grand type de croiseur, se rendirent à une escadre anglaise à Harwich.

On trouvera ci-dessous un état des pertes navales des Alliés et des puissances centrales durant la guerre; quoique n'étant pas officiels, ces chiffres proviennent d'une source autorisée; on y fait figurer tous les vaisseaux détruits par accident, aussi bien que ceux coulés dans les actions navales. Les pertes relativement minimes de la marine allemande, particulièrement en gros navires, sont dues au fait que la plus grande partie de sa flotte est restée à l'ancre pendant la guerre; comme elle n'avait pas de marine marchande en mer, elle n'avait pas à pourvoir au service des vaisseaux éclaireurs et des patrouilles.

Pertes navales des Alliés et des puissances centrales, 1918
Énumération des navires Grande-Bretagne France Italie Japon États-Unis
  nombre
Cuirassés 13 4 3 1 -
Croiseurs de bataille 3 - - - -
Croiseurs 25 5 2 4 1
Monitors 6 - 1 - -
Contre-torpilleurs 64 14 10 3 2
Torpilleurs 10 8 5 1 -
Sous-marins 50 14 8 - 1
Petits bâtiments 27 9 - - -
Total du tonnage 550,000 110,000 76,000 50,000 17,000
Total pour les Alliés 803,000 tonnes

Voici maintenant les pertes des ennemis :

Pertes navales des ennemis et des puissances centrales, 1918
Énumération des navires Allemagne Autriche-Hongrie
  nombre
Cuirassés 1 3
Croiseurs de bataille 1 -
Croiseurs 24 2
Monitors - 3
Contre-torpilleurs 72 5
Torpilleurs 51 4
Sous-marins 205 8
Total du tonnage 350,000 65,000
Total pour les Puissances Centrales 415,000 tonnes

Le total des pertes de la marine marchande britannique fut évalué par l'Amirauté à 15,053,386 tonnes, estimées à $3,000,000,000. D'après cet état officiel, 2,475 vaisseaux britanniques furent coulés avec leurs équipages; 3,147 autres périrent, leurs équipages étant sauvés; enfin 670 bateaux de pêche ont été détruits. La marine marchande britannique déplore la perte de 15,000 marins, qui ont péri au cours de cette terrible guerre.

Au commencement de l'année 1918, le transport des troupes américaines en France devint une nécessité tellement urgente qu'un grand nombre de navires britanniques, parmi les plus rapides, furent affectés à ce service. Entre le premier mai et le premier novembre, le nombre des troupes transportées à travers l'Atlantique s'éleva à 1,673,000, dont la plus grande partie furent embarquées sur des vaisseaux anglais, fréquemment escortés par des croiseurs et contre-torpilleurs de la marine britannique.

L'action de la flotte britannique fut indubitablement l'un des plus décisifs facteurs de la victoire, son blocus ayant conduit les Puissances Centrales presque à la famine et les ayant privées des matières les plus essentielles à la continuation des hostilités.

Elle a aussi conservé les mers absolument libres pour le transport des troupes alliées sur tous les théâtres importants de la guerre.

Participation a la guerre des États-Unis et des dominions britanniques d’outre-mer, 1918

La mobilisation des forces des États-Unis en vue de la guerre s'opéra avec une grande célérité et sans incidents notables. Entre la date de la déclaration de la guerre, 7 avril 1917, et la signature de l'armistice, 11 novembre 1918, l'armée des États-Unis était passée de 190,000 à 3,665,000 hommes, dont 1,993,000 avaient été expédiés sur le théâtre de la guerre.

Un peu avant la réorganisation du gouvernement canadien sur la base d'une union des partis politiques, le major général S. C. Mewburn était devenu Ministre de la Milice au Canada, en remplacement de sir A. E. Kemp, qui avait été nommé Ministre outre-mer du même département. À une séance secrète des deux chambres du gouvernement, tenue le 17 avril, le premier ministre avait donné une explication de l'extrême gravité de la situation militaire, résultant des succès considérables que venaient de remporter les Allemands sur le front occidental; il avait insisté sur la nécessité de faire tous les efforts possibles pour maintenir les troupes en campagne à leur effectif complet, pour augmenter la production des denrées alimentaires et celle des munitions de guerre.

Un Arrêté-en-Conseil fut passé, accordant les pouvoirs les plus larges au sujet des cas d'exemption, puis le 20 avril tous les jeunes gens âgés de 20 à 23 ans furent appelés sous les drapeaux. Par l'effet de la loi du Service Militaire, des renforts importants furent immédiatement envoyés aux bataillons de réserve stationnés en Angleterre, leur permettant de maintenir le corps canadien au complet, d'augmenter de cent hommes tous les bataillons d'infanterie et de constituer plusieurs bataillons du génie, compagnies d'ouvriers et, de forestiers et d'autres unités, augmentant ainsi le nombre des troupes en campagne d'environ 19,000 hommes de tous rangs. Nonobstant les lourdes pertes subies dans les opérations subséquentes, les unités engagées furent constamment complétées et maintenues près de leur maximum. À la conclusion de l'armistice, les troupes canadiennes envoyées outre-mer s'élevaient à 418,052 hommes de tous rangs. Jusqu'au 31 décembre, les pertes en tués et blessés s'élevaient à 9,989 officiers et 204,397 sous-officiers et soldats, outre 3,575 prisonniers de guerre; à la même date, il s'était produit 2,221 décès parmi les troupes demeurées au Canada. Jusqu'au 15 novembre 1918, 595,441 canadiens avaient répondu à l'appel de leur pays. Plus de 350,000 hommes, femmes et enfants, étaient employés dans les usines de munitions du Canada; les souscriptions aux œuvres de guerre et aux Fonds Patriotiques dépassaient $90,000,000, c'est-à-dire plus de 811 par tête de la population. La résistance à la loi du Service Militaire suscita des troubles dans la cité de Québec, qui coûtèrent la vie à quelques personnes; ces troubles furent promptement supprimés. Le premier ministre de la province et le leader de l'opposition au gouvernement fédéral réprouvèrent énergiquement toute opposition inconstitutionnelle à cette mesure; leurs sages conseils produisirent bientôt d'heureux effets.

En juin, le Cabinet Impérial de guerre et une Conférence Impérale de guerre se réunirent à Londres; le premier ministre du Canada et deux membres de son cabinet prirent part à leurs délibérations.

En Australie, le plébiscite donna la majorité aux adversaires du principe du Service Militaire obligatoire. Le gouvernement de M. Hughes démissionna, mais comme il devint immédiatement évident qu'aucun autre homme politique ne pouvait réussir à gouverner, il fut appelé à former un nouveau cabinet; il y réussit et bientôt fut soutenu par une majorité décisive. En avril, une conférence ayant pour but le recrutement fut convoquée; le gouverneur général la présida et de nombreux représentants du parti ouvrier y assistèrent. Les succès de l'offensive allemande en France déterminèrent une vigoureuse campagne de recrutement dont les effets furent fructueux, si bien que les troupes australiennes en campagne n'eurent pas à souffrir du manque de renforts. L'Australie fut représentée à la Conférence Impériale de Guerre par M. Hughes et sir Joseph Cook; ce dernier resta en Angleterre pour y représenter l'Australie.

La division des troupes néo-zélandaises en campagne fut aussi maintenue à son effectif de guerre par le recrutement volontaire jusqu'à la fin de l'été. Dans l'Afrique du Sud une agitation républicaine devint plus audacieuse et plus bruyante; en mars on craignait sérieusement un autre soulèvement. En mai, après des appels répétés invitant les nationalistes à la modération, le général Botha annonça que le gouvernement prendrait les mesures les plus énergiques pour réprimer toute sédition. En juillet, on découvrit des complots qui rendirent indispensables certaines mesures militaires. L'ordre fut promptement rétabli. Le général Smuts resta en Angleterre où il participa avec M. Burton aux délibérations du Cabinet Impérial de guerre, dans les intérêts du gouvernement sud-africain.

L'Inde répondit avec enthousiasme à un appel du premier ministre. Une conférence de guerre qui se réunit à Delhi, et à laquelle avaient été convoqués les représentants de toutes les nuances de l'opinion populaire, décida de prendre les mesures nécessaires pour la levée d'un autre demi million d'hommes en l'espace de douze mois. Les membres officieux de la législature vice-royauté approuvèrent les propositions du Ministre des Finances tendant à faire supporter à l'Inde les dépenses d'une plus grande proportion de ses troupes. Ses régiments en Mésopotamie en Syrie et en Palestine reçurent des renforts importants, qui réparèrent leurs pertes.